Didier Ayres, H.P. (Scènes de désespoir et de miracles) — 4

 

lelitteraire.com pro­pose de manière inédite à ses lec­teurs ayant appré­cié les billets “en marge” de Didier Ayres de décou­vrir chaque semaine une par­tie de son oeuvre théâ­trale, H.P (Scènes de déses­poir et de miracles)

avant-propos de l’auteur :

H.P. porte un regard sur l’institution psy­chia­trique. En 12 scènes on y retrouve l’essentiel des vrais moments d’un asile, des séquences véri­diques de ce lieu de sur­veillance : les infir­miers, les patients, les thé­ra­peutes, les familles, l’heure du thé dans l’après-midi, la nuit avec ou sans som­meil, la conten­tion, les conver­sa­tions entre les asi­laires, etc. Ce qui res­sort de cette plon­gée en milieu hos­pi­ta­lier, c’est la souf­france de tous et de cha­cun, dou­leur qui s’exprime soit par l’angoisse, soit par le rire.

C’est ce des­tin d’une com­mu­nauté de vivants — com­pa­rables à des déte­nus — qui m’a poussé à ima­gi­ner cette pièce. La ten­sion dra­ma­tique, ten­sion d’êtres humains bous­cu­lés comme en une nef des fous, pour moi a fait théâtre (plus à mes yeux que la célé­bra­tion d’un office reli­gieux). Ce qui est sacré ici, c’est cette focale sur le fond de l’être. Ainsi, « le monde est un théâtre ».

didier ayres

lire la scène 3

Scène 4 :

Tu entends cette voix, cette nuit qui bat, quelqu’un qui est devenu une autre, quelqu’un qui déam­bule, que j’ai aper­çue dans l’escalier et la grande porte de bois qui ferme la mon­tée, la lumière, là, dans les miroirs, cette voix au-dedans qui comme un cri, un cri qui déchire, inté­rieur, inar­ti­culé, qui vient par-dessus tout, qui quitte les espaces men­taux, qui ter­rasse, et les lépi­do­ptères de nuit qui grouillent, les reflets des néons sur le car­re­lage, une sorte de boule de fer blanc, qui tourne, qui fait des cercles, des figures, l’étendue du ciel, rien que le mal­heur et pas de miracles, car ce qui compte alors c’est le sen­ti­ment de la réa­lité, de la vérité de cette réa­lité, qui double le simple fait de vivre, qui façonne, le pla­fon­nier qui roule, quelque chose qui chan­celle, et toi, tu vas au maga­sin d’accessoires, émo­tive, car tu es émue, les heures noc­turnes de l’hôpital, les évé­ne­ments, le réel, et les effets de la lumière qui sont plus pro­bants, qui cherchent, là, des cercles, une autre vie, oui, une autre vie, autre chose que ce cri, que cette dévo­ra­tion, cette attente, le monde phy­sique qui se pré­sente, quelque chose qui empêche de mou­rir, de mou­rir puis de renaître, la per­fec­tion, le triomphe de la volonté, et le temps qui s’accumule, jusqu’à l’explosion, la der­nière, ce qui vien­dra avant le Big Bang, là où les justes brille­ront, toute l’existence dans ce simple silence, deux, deux ? à la fois, est-ce clair ? des cercles de boue sur le mur, un endroit spa­cieux et pas de sépa­ra­tion, une étoile filante au milieu de rien, le jar­din de l’hôpital, la nuit de l’H. P., l’hôpital de nuit, un mil­lé­naire, le théâtre kabuki, et des réalités.

Elle tombe.

 { à suivre }

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