Ce superbe livre et en son chant fait peut-être et paradoxalement reconsidérer et réviser ce qui fut le premier livre de Zéno Bianu : Manifeste électrique aux paupières de jupe (Soleil Noir) dont déjà Yves Buin n’était pas loin.
Ici en effet, il est question d’un des maîtres de la guitare électrique : Carlos Santana vu et écouté lors d’un de ses plus beaux concerts à la “House of Blues” de Las Vegas en 2016.
Santana est moins connu que l’un des autre phares de Bianu : Jimmy Hendrix. Néanmoins, beaucoup le découvrirent pour sa fantastique prestation à Woodstock en 1969 et pour ses disques dont — et entre autres — “Blues for Salvador”.
Sa musique n’est pas sans rapport avec ce que Bianu a toujours cherché : à savoir ce que cachent de gouffres la création et son envol au milieux des foudres des riffs et des dentelles de lumière.
Mixant la musique pop-rock à la musique afro-américaine, latino et amérindienne, Santana a créé — à travers une traversée chaotique et depuis des décennies — une musique en variations constantes conçues pour mettre en évidence non seulement son talent mais celui de ses musiciens dont le “chef d’orchestre” enflamme la chair et l’esprit en des sortes de transes.
Aussi incandescent que discret, Santana est mis en évidence dans ce texte poétique improvisé à partir du concert et ce, dans la fulgurance d’une écriture qui épouse la trajectoire du créateur de “Black Magic Woman”. Tout dans ce texte se détache des préjugés ordinaires, des obéissances communes.
Pour ne pas reprendre toujours les mêmes routines, les deux auteurs rameutent la “tendre violence et (la) pulsation profonde” du chant intérieur de “l’ambassadeur des inouïs”.
Existe un accomplissement de la poésie par celle de la musique en ses “mantras d’obsidienne / pour les buveurs de nuit”. Certes, ceux qui connaissent Santana comprendront chaque mot du livre. Mais il “tient” autant et par sa force pour celles et ceux qui ignorent tout de lui.
Même s’il se suffit à lui-même, il sera donc une propédeutique plus juste que généreuse — car rien n’est exagéré — à l’oeuvre du Californien d’adoption. Il est entré en musique pour la parfaire et afin de transformer ce qu’on appelle la musique pop dans des hybridations, des errances et surtout des aboutissements.
Santana ne s’est jamais contenté des accents que suggèrent les douceurs de plage de San Diego.
Il a brassé la musique du monde pour en faire non une soupe mais une fragrance à laquelle répondent les poèmes à quatre mains d’animistes qui se fondent dans le spectacle et la musique du créateur en filant ses étoiles.
jean-paul gavard-perret
Zéno Bianu & Yves Buin, Santana de toutes les étoiles, Le Castor Astral, 2020, 96 p. — 12,00 €.