Ce volume rassemble quelques articles de J.-M. Piemme publiés de 1984 à nos jours. Il s’intéresse au décalage que connaît le « souffleur inquiet » : c’est celui que connaît le pédagogue lorsqu’il doit faire passer les idées les plus exigeantes et les plus aiguës dans un langage qui doit demeurer accessible à tous. C’est une interrogation sur le théâtre vivant.
Je me suis particulièrement intéressé au premier article : « Savoir et pouvoir : la mise en scène ». Selon J.-M. Piemme, le public de théâtre est devenu un ensemble hétérogène qui ne se trouve plus de plain-pied avec la mise en scène. De ce divorce entre la salle et la mise en scène, Piemme interprète le rôle du metteur en scène comme celui d’un médiateur, entre deux tendances : le brechtisme d’un côté, la communion de l’autre. C’est que, pour lui, le savoir est constitutif de la mise en scène, mais qu’elle doit aussi prendre en compte le pouvoir du metteur en scène. Il opère donc une différence entre mise en scène magistrale (en quelque sorte, celle qui donnerait des leçons au public) et mise en scène dialectique (qui prendrait en compte une altérité).
Mais l’appel fait à l’ « homme philosophique », celui qui, après Kant, aurait le courage d’être le propre juge de ses propres actions, apparaît comme un peu naïf. Quant au vœu que chacun puisse devenir « son propre expert », il sent son soixante-huitardisme mal digéré et patelin, détestable entre tous. En somme, il me semble que les pistes jetées par Piemme sont intéressantes (même si ce premier article date de 1978 : il porte donc la trace de son époque), mais qu’il ne pousse pas son raisonnement jusqu’au bout, ce qui est dommage.
yann-loïc andre
Jean-Marie Piemme, Le Souffleur inquiet et autres écrits sur le théâtre, Espace nord, 2012, 350 p., 9 €.