M.J. Arlidge, Derniers sacrements

Don ou malédiction…

Le roman s’appuie sur une idée rela­ti­ve­ment simple, le fait que : “…le moment de notre mort est gravé dans le marbre… que nous avan­çons vers une fin écrite d’avance.” Or, cette fin qui se lit dans les yeux des indi­vi­dus, n’est visible par aucun humain. Si c’était le cas, la vie d’un tel indi­vidu serait un enfer, côtoyant des per­sonnes, connais­sant la cause et la date de leur dis­pa­ri­tion.
Kas­sie, cette ado­les­cente vit depuis son plus jeune âge avec cette malé­dic­tion. Elle cherche à se reti­rer du monde. N’a-t-elle pas, quand elle avait cinq ans, vu ce qui allait arri­ver à son père ? Elle a tenté, sans suc­cès, de le détour­ner de son tra­jet avec des phrases trop mal expri­mées. Le roman­cier expose avec talent son com­por­te­ment erra­tique, la néces­sité de prendre des drogues, les ten­ta­tives de mise en garde mal com­prises et assi­mi­lées à des agres­sions. Com­ment réagit un indi­vidu à qui vous dites : “Ce soir, vous allez mou­rir dans un accident.”

Kassan­dra, dite Kas­sie, est bous­cu­lée par un homme dans une rue de Chi­cago. Il s’inquiète, veut l’aider. Quand elle se décide à le regar­der dans les yeux elle se fige. Elle a vu la mort.
Mal­gré sa charge de tra­vail Adam Brandt, psy­cho­logue judi­caire che­vronné, accepte de s’occuper d’une ado­les­cente, un cas dif­fi­cile lui dit-on.
Jacob Jones, en buvant une bière, revit la scène quand la jeune fille bous­cu­lée l’a rat­trapé. Elle criait des mots vio­lents et confus, l’avait agrippé, jusqu’à ce que deux poli­ciers l’emmènent.
Adam ren­contre Kas­sie. Elle pos­sède déjà, à quinze ans, un casier fourni entre pos­ses­sion de drogues, vol, agres­sions, record d’absentéisme au lycée. Il cherche à l’apprivoiser et len­te­ment éta­blit un lien ténu.
C’est une patrouille qui arrête une voi­ture man­quant d’emboutir un camion après avoir grillé un feu. Dans le coffre, dans une bâche, les deux agents découvrent le cadavre déchi­queté d’un homme. Vite iden­ti­fié, il s’agit de Jacob Jones, un adjoint au pro­cu­reur géné­ral.
Et Kas­sie finit par révé­ler qu’elle voit leur mort dans les yeux des gens. Et dans le cas de celui qui l’a bous­culé, une mort vio­lente le soir même. Mais, quand il la pousse à de nou­velles confi­dences, elle lui révèle qu’elle a vu sa propre mort, qu’elle va mou­rir… assas­si­née par lui, dans peu de temps… Et de nou­veaux meurtres, avec le même mode opé­ra­toire, des vic­times que Kas­sie a croisées.

Autour de son héroïne qui porte l’histoire, le roman­cier fait gra­vi­ter une gale­rie nom­breuse de pro­ta­go­nistes aux carac­tères bien dif­fé­rents, pro­po­sant une belle gamme de pro­fils psy­cho­lo­giques divers et variés, cam­pés fine­ment, étu­diés jusqu’au tré­fonds de leur âme. Il expli­cite, détaille, raconte l’environnement de cha­cun, ses rela­tions, ses atti­tudes, ses craintes. Et celles-ci sont nom­breuses car peu de per­sonnes sont heu­reuses chez M.J. Arlidge
Dans ce contexte, l’écrivain met en musique une intrigue solide, effi­cace, cruelle voire bar­bare, avec quelques des­crip­tions fortes. Il ins­tille une ten­sion, ins­talle une pres­sion qui ne se démet à aucun moment jusqu’à une conclu­sion sai­sis­sante, inat­ten­due, voire déstabilisante.

serge per­raud

M.J. Arlidge, Der­niers sacre­ments (A Gift for Dying), tra­duit de l’anglais par Séve­rine Que­let, Édi­tions 10/18, coll. “Domaine Poli­cier” n° 5580, octobre 2020, 576 p. – 9,60 €.

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