Juan Diaz Canales, Teresa Valero & Antonio Lapone,Gentlemind- Épisode 1

Le “rêve amé­ri­cain” au féminin !

Juan Diaz Canales et Teresa Valero mettent en scène, sur trois décen­nies, l’aventure d’une jeune artiste qui va, pous­sée par les cir­cons­tances, deve­nir patronne de presse.
D’une revue confi­den­tielle, elle va faire un maga­zine moderne tenant le haut du pavé dans le domaine de l’édition.

En 1939, à Brook­lyn, Arch Par­ker et Navit vivent dif­fi­ci­le­ment. Il veut ten­ter, encore une fois, la tour­née des jour­naux sus­cep­tibles de lui prendre ses illus­tra­tions. Devant un kiosque, le ven­deur lui pré­sente une revue que per­sonne n’achète, édi­tée par H.W. Powell, un mil­liar­daire. Celui-ci se moque du peu de ventes, il sou­haite sim­ple­ment mettre en valeur les jeunes femmes qui sont très proches de lui.
Arch se pré­sente. Il va essuyer un échec quand le des­sin réa­lisé le matin même qui expose la magni­fique nudité de Navit tombe de son car­ton. Powell, le voyant, est immé­dia­te­ment séduit. Il lui pro­pose un tra­vail à condi­tion de lui pré­sen­ter la jeune femme.
Au tri­bu­nal de New York, en 1940, Waldo Trigo est l’avocat d’une com­pa­gnie dont il défend les inté­rêts au mépris de toutes consi­dé­ra­tions huma­ni­taires. Mais, avant chaque plai­doi­rie qu’il ter­mine par un suc­cès, il vomit aux toi­lettes.
En 1942, Navit gra­vit les éche­lons dans le monde du music-hall et Arch a du tra­vail. Mais, ne sup­por­tant plus cette situa­tion, il décide de par­tir à la guerre, en Europe. Elle épouse Powell alors que son amour reste entier pour le des­si­na­teur.
Mais, quand Powell décède, sa pre­mière épouse conteste un tes­ta­ment qui n’oublie pas Navit. Celle-ci convainc Trigo de l’aider. C’est le début d’une belle et forte aven­ture éditoriale…

Les scé­na­ristes décrivent un contexte cultu­rel et social où les artistes, même talen­tueux, ont besoin de mécènes, de réseaux pour pou­voir tra­vailler. Mais fallait-il se pla­cer dans les années 1940 aux USA pour une telle situa­tion ? Celle-ci ne perdure-t-elle pas encore aujourd’hui dans toutes les contrées du monde ?
Il suf­fit, pour s’en convaincre, de se rap­pe­ler le récent scan­dale Wein­stein qui a secoué, mais sans rien résoudre dura­ble­ment, le petit monde du cinéma hol­ly­woo­dien. Ici, les auteurs vont jusqu’à mettre l’héroïne dans le lit de ce vieil homme tombé amou­reux d’elle, avec cepen­dant, une cer­taine accep­ta­tion de sa part.

Ce qui est imposé aux jeunes femmes dési­reuses de se faire une place s’applique d’une autre manière aux hommes qui doivent for­cer, de toutes les façons pos­sibles, les portes du tra­vail, à défaut du suc­cès. Dans cet uni­vers machiste en diable, les auteurs racontent l’ascension de Navit, cette femme com­ba­tive, intel­li­gente et auda­cieuse par­tie d’une car­rière de meneuse de revues pour s’afficher en res­pon­sable édi­to­rial de presse.
Paral­lè­le­ment, ils déroulent le par­cours d’un homme issu d’un milieu favo­risé, à l’indéniable talent d’orateur, qui décide d’arrêter de défendre des causes ignobles pour vivre en accord avec sa conscience, quel qu’en soit le prix à payer.

Canales et Valero peignent un beau por­trait de femme dans un uni­vers contrôlé par les hommes, tout en étant conscients de la réa­lité.
Ne font-ils pas dire à leur héroïne : “Dignité, Hon­neur, morale… des mots pour satis­faire les misé­rables.
Les des­sins et cou­leurs sont l’œuvre d’Antonio Lapone. De prime abord, ce gra­phisme sur­prend par la toni­cité des traits, par la sty­li­sa­tion tant des per­son­nages que des décors mis en valeur avec une colo­ri­sa­tion forte, aux teintes posées en larges à-plats. S’il sur­prend à la lec­ture des pre­mières pages, ce gra­phisme se fait vite appri­voi­ser et pro­duit une belle plus-value au récit.

Avec un scé­na­rio riche en idées, en évé­ne­ments et en sujets de réflexion, les auteurs donnent à voir une époque et des par­cours avec un sens du récit qui attache à l’histoire.

lire un extrait

serge per­raud

Juan Diaz Canales (scé­na­rio), Teresa Valero (scé­na­rio) & Anto­nio Lapone (des­sin et cou­leur), Gent­le­mindÉpi­sode 1, Dar­gaud, août 2020, 88 p. – 18,00 €.

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