Poètesse, romancière, critique et traductrice francophone, Sonia Elvireanu a publié chez L’Harmattan deux recueils importants : Le silence d’entre les neiges primé en 2019 au Grand concours du Monde francophone de l’Académie poétique et littéraire de Provence et Le souffle du ciel primé par La Société des Poètes Français de Paris en 2020.
Dans ces deux livres, l’auteure inscrit une quête existentielle entre douleur et amour. Dans Le silence d’entre les neiges, Elvireanu tente de soustraire la disparition de l’homme aimé dont elle veut garder l’épaisseur en donnant nom aux souvenirs afin que la douceur arrive à effacer la souffrance. Notamment par les trace dans la neige, son silence, sa blancheur qui soulignent le vide “dans l’embrassement du Ciel et de la Terre” et pour recouvrer “une ligne de l’horizon ».
Le tout dans une intensité fondée sur des résonances ailées nimbées de références mythologiques et bibliques. Pour que la disparition se dissipe, le corps de l’aimé doit être reformulé au rythme du langage qui se crée en avançant comme il recrée le temps loin du tombeau des douleurs dans la (re)naissance des poèmes.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La joie de voir la lumière câliner les arbres.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Enfant, je n’ai pas trop rêvé, j’ai goûté la beauté et les senteurs des champs que j’ai transposées plus tard dans mes poèmes.
A quoi avez-vous renoncé ?
À une carrière purement académique, mais sans aucun regret, car j’ai travaillé 17 ans dans le système universitaire comme professeur associé. Aux vacances de rêve, aux voyages trop lointains.
D’où venez-vous ?
Je viens d’une région très riche en vestiges historiques, du département d’Alba, qui fait partie du centre de la Roumanie, de Transylvanie. Je viens de la ville d’Alba Iulia, riche en vestiges qui remontent à l’époque d’avant la conquête de mon pays, la vieille Dacie, par les Romains, lors de deux guerres avec les Daces : 101–102, 105–106. Lors des fouilles archéologiques dans notre département, on a trouvé trois tablettes d’argile à Tărtăria avec une écriture supposée la plus vieille écriture du monde selon les spécialistes.
Qu’avez-vous reçu en “dot” ?
Une âme sensible à la beauté du paysage et aux arts.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Siroter mon café en contemplant le paysage en chaque saison pour retrouver l’harmonie et l’inspiration.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
La vision du monde qui aimerait faire comprendre le lien homme-nature, le principe universel de l’harmonie qui devrait régner partout au monde.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Petit enfant dans le village de mes grands-parents, je ne comprenais pas pourquoi pendant certains jours les rues étaient désertes, les villageois s’enfermaient dans leurs maisons et espionnaient du grenier ce qui se passait dehors. Adulte, après la chute du communisme chez nous en 1989, par des lectures sur l’époque de mon enfance, j’ai compris l’événement du village d’autrefois : les paysans se cachaient pour ne pas être obligés par les autorités à renoncer à leur terres, animaux et outils, à leur propriété privée et s’inscrire dans les coopératives agricoles qui appartenaient à l’État, propriétaire unique de tous les biens et de la vie intime des gens. Ceux qui ne voulaient pas le faire étaient menacés, harcelés, battus et jetés en prison. C’était à l’époque communiste.
Et votre première lecture ?
Je ne me rappelle pas exactement, les contes de fées et les Légendes de l’Olympe.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Selon mon état d’esprit : Rachmaninoff, Vivaldi, Chopin, Rieux etc.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Le roman “Laur” de Evgheni Vodolazkin.
Quel film vous fait pleurer ?
Beaucoup de films me font pleurer. Parfois un geste émouvant, un drame, un destin, la dignité d’un personnage.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Dans le miroir, je regarde une image qui me semble être moi, dans laquelle je me reconnais ou pas, modifiée par mon état d’âme et le temps. Mais la vraie image de moi m’échappe, elle est intérieure sous un aspect physique rassurant : Je est un autre, disait Rimbaud
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A mes parents.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Monet et les impressionnistes français ; Raphaël, Botticelli en peinture italienne ; Michelange, Rodin, Brancusi en sculpture ; Hugo, Camus, Bobin en littérature française.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Athènes, la mer Egée et ses îles.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un voyage dans une contrée de rêve avec l’être aimé
Que défendez-vous ?
L’entente entre les peuples, la vie privée, l’amitié sans frontières, la démocratie
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Le manque d’amour. Je préfère le définir ainsi : l’Amour est accepter l’autre tel qu’il est, sans vouloir le changer, se sentir heureux et accompli à côté de lui sans savoir pourquoi et le garder toute la vie.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Il y a tant de réponses sans questions préalables, dans la vie et dans l’imaginaire.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Peut-on vaincre la mélancolie ?
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 20 septembre 2020.
Merci, Jean-Paul Gavard-Perret, pour cet entretien-miroir.