Les innocents, moi et l’inconnue au bord de la route départementale (Peter Handke / Alain Françon)

Décon­ve­nues avec l’altérité

Un per­son­nage parle de ce qui se passe, de ce qui aurait pu se pas­ser, de ce qui ne se passe plus. S’éclaire un pay­sage d’allure fac­tice, comme une minia­ture gran­deur nature. De nom­breuses per­sonnes viennent à pas­ser, déjouant son récit, can­tonné au mono­logue. Pour­tant ils parlent, tous, de leur poten­tielle unité, de leur mobi­lité ; ils inter­loquent ce moi sup­posé posé, pas­sa­ble­ment indis­posé.
Le pro­pos est riche, ample, éla­bo­rant comme une petite mytho­lo­gie por­ta­tive. Les répliques s’installent dans une sur­abon­dance ver­bale qui peut paraître ver­beuse, tant les dis­cours sont pri­vés déli­bé­ré­ment d’objet. Il est pour­tant ques­tion des condi­tions du dia­logue ; les mono­logues s’invectivent bru­ta­le­ment, au point de devoir se coor­don­ner. Le spec­tacle déroute : récu­sant toute nar­ra­tion, il esquive toute adresse et ne cesse de pro­cé­der à des décrochages.

Peu à peu se consti­tue une vaste fresque pro­cé­dant d’interactions élé­men­taires et d’envolées lyriques entre Moi, le sup­posé séden­taire ques­tion­neur, l’Inconnue, celle qui sait et tou­jours s’échappe, et les Inno­cents, le peuple, les mou­vants, le com­mun, les migrants. Le pari est osé ; la pièce s’essaie tant à la dénon­cia­tion du popu­lisme, aux remarques sur la conduite d’une repré­sen­ta­tion de théâtre, qu’à l’exploration des limites du verbe. Le tout mêlé de réfé­rences aux tra­gé­dies grecques.
Se construit comme une théo­rie du pas­sage, de la mou­vance qui au moins dans les impré­ca­tions élan­cées doit explo­rer les condi­tions du conflit, la fra­gi­lité de la paix réduite au modeste jar­din de la convi­via­lité éphémère.

Une ambi­tieuse méta­phore des frasques de l’humanité, qui cherche à relier mais reste atta­chée à ses lopins, mal­gré qu’elle en ait.
Il est ques­tion de seuil, point où se décident dans la plus grande incer­ti­tude les appar­te­nances, les accoin­tances ou les décon­ve­nues avec l’altérité.

chris­tophe giolito

 

Les inno­cents, moi et l’inconnue au bord de la route départementale

Texte et tra­duc­tion Peter Handke

Mise en scène Alain Fran­çon

Pho­tos © Jean-Louis Fernandez

avec Pierre-François GarelGilles Pri­vatSophie SeminDomi­nique Valadié 

et Lau­rence CôteDaniel DupontYan­nick Gon­za­lezSophie LacombeGuillaume LévêqueHélène N’SukaJoseph Rolan­dezSyl­viane Simonet

Assis­ta­nat à la mise en scène Sophie Lacombe ; décors Jacques Gabel ; lumières Joël Hour­beigt ; cos­tumes Marie La Rocca ; musique Marie-Jeanne Séréro ; cho­ré­gra­phie Caro­line Mar­cadé ; son Léo­nard Fran­çon et Pierre Bodeux ; coif­fures et maquillage Cécile Kret­sch­mar ; enre­gis­tre­ment musique Flo­riane Bonanni, Renaud Guieu, Ben McCon­nel, Thierry Serra ; réa­li­sa­tion des cos­tumes par l’atelier de La Col­line Isa­belle Flosi, Char­lotte Le Gal, Peggy Sturm.

Au théâtre de la Col­line, du 3 au 15 mars 2020, Grand Théâtre15 rue Malte-Brun, Paris 20e / métro Gam­betta • www.colline.fr

Billet­te­rie 01 44 62 52 52 et du mardi au samedi de 11h à 18h30 billetterie.colline.fr

 

Pro­duc­tion Théâtre des nuages de neige – copro­duc­tion La Col­line – théâtre natio­nal, MC2: Gre­noble, Théâtre Natio­nal de Strasbourg

avec la par­ti­ci­pa­tion artis­tique de l’Ensatt — École Natio­nale Supé­rieure des Arts et Tech­niques du Théatre et du JTN — Jeune Théâtre National

Le Théâtre des nuages de neige est sou­tenu par la Direc­tion géné­rale de la créa­tion artis­tique du minis­tère de la Culture.
Edition

Le texte de la pièce Les Inno­cents, Moi et l’Inconnue au bord de la route dépar­te­men­tale de Peter Handke est paru aux édi­tions Gal­li­mard.
Peter Handke est repré­senté par les édi­tions Gallimard.

 

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