Linda Tuloup, La brûlure

L’ “Action Bur­ning” de Linda Tuloup

Quand la flamme devient chant d’Elle, Linda Tuloup entre­prend la tra­ver­sée des appa­rences. Le feu agit en sen­ti­nelle et miroir.
Le corps s’envole par­fois, par­fois il s’étend, se fait lumière et se défait de la nuit pure dans une sorte d’attente.

Il n’y per­sonne d’autres qu’Elle entre, par­fois, des noir­ceurs célestes et des blan­cheurs d’angoisse. Mais la dou­ceur est là où le corps parle en ses cho­ré­gra­phies et les aveux de la voix off.
La noc­turne sen­ti­nelle brûle son image mais, deve­nue Pier­rot lunaire bat­tant le bri­quet, la flamme qu’elle fait jaillir troue des sur­faces afin qu’une ombre claire face “paysage”.

Par les mon­tages d’images, Linda Tuloup oppose et rap­proche deux réa­lité très dis­tantes. Elle per­met de voir ou de croire voir en extra­yant la proxi­mité d’un loin­tain ou plu­tôt le loin­tain de la proxi­mité qui nous guette et nous touche en déga­geant de ce qui est de l’ordre du simple spec­tacle et de l’évènement.

Le feu incise, perce en tou­chant ce qui appar­tient à l’ordre du mys­tère de l’éros et qui demeure au fond de nous. Par son propre tra­vail de “pyro­mane”, l’artiste explore l’idée “de mémoire pro­thé­tique”.
Et les brû­lûres qu’elle impose sont là afin que les images se chargent d’aura bien plus qu’elles ne disparaissent.

Cette “action bur­ning” crée un dés­équi­libre entre deux moments d’une nar­ra­tion per­son­nelle mais à valeur géné­rale. L’artiste attire l’attention sur les pro­blé­ma­tiques de la perte et de la mémoire, de l’amour et de la soli­tude.
C’est pour­quoi un tel film inquiète et fas­cine en son­dant l’obscure clarté où l’être ne finit jamais d’errer.

Mettant le corps en jeu, ses formes créent d’autres contours là où tout échappe au pur dis­cours pour la seule ivresse de la sen­sa­tion. En consé­quence, Linda Tuloup traque une fois de plus l’insaisissable et impal­pable dans ce tra­vail d’ “igni­fu­sion” où se pro­duit l’épreuve du désir et du manque afin de voir ce que ça cache au moment où l’artiste devient cha­mane, pyro­mane et derviche-tourneur.

L’amour qui se quitte ne se quitte pluss sug­gère en sub­stance l’artiste. Preuve que c’est une mala­die, une addic­tion, un alcoo­lisme. Avec ce que cela sup­pose de consé­quences et de dan­ger.
Preuve aussi qu’aimer ne sauve rien. Mais nul ne peut pas­ser outre.

Il faut faire avec ce qui brûle le corps et l’esprit. Cha­cune et cha­cun tournent autour d’un tel espace entre flamme et cendre. Tout le monde espère que lorsqu’on est quitté, l’amour n’est pas encore parti. Du moins pas trop loin. Pas en tota­lité.
Et c’est un peu comme lorsque les images se dis­sipent. D’autant qu’ici, lorsqu’elles brûlent, sou­dain en leur centre, une amande incise s’ouvre afin qu’accouche un autre territoire.

L’artiste pourra, dans cette invi­ta­tion à l’intimité et tant que l’image per­dure, espé­rer un temps presque sans conscience, un temps sans passé et contre la récep­ti­vité orga­ni­sée et l’hospitalité sociale. Tout peut se pas­ser car entre les quatre angles de l’écran.
L’image que Linda Tuloup tra­vaille devient abri ou alcôve de for­tune. L’amour y prend feu sans se dis­si­per. Et ce qui a dis­paru, quand résonne le vide, revien­dra faire image et revi­si­ter celle qui se croyait per­due ou oubliée.

Le film est donc une his­toire de bles­sure et de sur­vie que la nudité, comme cer­taines parures (cou­ver­ture), souligne.

jean-paul gavard-perret

Linda Tuloup, La brû­lure, 2020,

(Visible entre autres sur le Face­book de l’artiste)

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Chapeau bas, cinéma, Erotisme

One Response to Linda Tuloup, La brûlure

  1. Villeneuve

    ” Bur­ning in ” JPGP .

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