Les images et leurs fantômes
Abdelkader Benchamma vit et travaille à Paris et à Montpellier. Ancien élève des Beaux-Arts de Montpellier et de l’ENSBA, lauréat du Prix Drawing Now en 2015, il a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles et collectives dans le monde entier. Son travail est présenté au MRAC de Sérignan (“Fata Bromasa”) jusqu’en fin septembre puis sera présenté lors d’une exposition personnelle à la Collection Lambert d’Avignon.
Il s’est — entre autres — fait connaître pour ses dessins à l’encre noire, in situ et souvent éphémères. Ces dessins dialoguent et transforment les espaces d’exposition en paysages, autant physiques que mentaux, parcourus par des énergies étranges, apparemment éthérées mais surtout chaotiques, preuve que l’art n’est pas le successeur du sacré mais son contre-feu.
A Bruxelles, il propose un nouvel ensemble de dessins et de peintures sur papier où il traque — des mythologies et croyances antique jusqu’à celles de l’ère du numérique et ses technologies — la représentation des miracles et de nos nouvelles croyances. Différentes formes d’apparitions qui traversent l’histoire humaine sont présentes à travers une succession de signes repris et corrigés.
Ils permettent de voir et d’interpréter l’image et son statut car, si le signe est une trace ou une écriture, il dit surtout l’impossibilité de lire un événement d’une seule façon. Ce que les mots ne peuvent pas écrire est donc signifié.
L’exposition se compose de deux ensembles : “Book Of Miracles” et “Trees et Engramme”. Ces travaux sont créés à partir des images que l’artiste glane dans la presse, sur Internet et dans l’histoire de l’art mais aussi dans les sciences humaines, les sciences parallèles (parapsychologie, magie) tout comme dans les sciences dites dures dont l’astrophysique.
Se découvrent anges, phénomènes célestes, photos d’ovnis, des arbres qui se déforment pour écrire le nom de Dieu dans une singulière calligraphie issue de l’esthétique musulmane ou encore des rituels qui semblent traverser l’espace et le temps.
De telles visions célestes ou oniriques sont transformées en images-rebuts. Leur charge spirituelle devient quelconque et relève du folklore et de la superstition. L’artiste les reproduit, les déforme en divers principes de répétitions, variations et de diffusion.
Dans “Book of Miracle, Trees” une forêt étrange s’anime d’un flux là ses arbres deviennent une forme d’écriture faite de pleins et de déliés. L’artiste affirme que les arbres se sont déformés pour réciter une prière coranique. Mais la scène est avant tout animiste et la nature semble être la seule véritable force traversée par des énergies invisibles.
Certaines des scènes sont reprises dans “Engramme”, série commencée lors du séjour de l’artiste à la Villa Médicis. Ces grands formats matérialisent le fonctionnement des mémoires du vivant et illustrent la naissance des images et leur transformation à travers des strates à l’encre noire et à la terre de Sienne.
Jaillissent des sorte de couches géologiques et des substrats d’histoires qui nous habitent. Et ce, dans des formations parfois réalistes mais souvent comme en disparition et en effacement afin d’affirmer que les dieux révélés sont morts à une époque où beaucoup veulent les faire revenir en force.
jean-paul gavard-perret
Abdelkader Benchamma, Signes, Galerie Templon, Bruxelles, du 3 septembre au 24 octobre, 2020.
La traque des croyances antiques et numériques de Benchamma permet à JPGP une résurgence de son livre perso ” le chant des signes ” ( 1999) sur les œuvres de CIESLA . ” Fort ” trio selon Beckett .