Dans le feu du stupre et de la fornication
Dans le coin le plus obscur de la Mésopotamie, là où l’eau et la roche s’étreignent, une anfractuosité laisse deviner une voûte ouverte sur un ailleurs. Nu, le corps de Lilith se doit d’assurer à chaque pas un équilibre précaire. L’émotion d’une descente accélérée attise encore l’éros des temps passés et le rapproche du nôtre.
La poitrine de la dite Fatale se soulève rapidement. Des hommes rêvent toujours de caresser sa chevelure tandis qu’elle rejette sa tête en arrière. Son corps offert à l’invisible, elle reprend son souffle. Et les hommes le perdent entre ses jambes ouvertes afin qu’ils frémissent en ses pétales.
Entre deux nuages, Lilith pose ses lèvres d’iris noir sur l’oiseau, il est son messager. Sous son regard en insurrection, les échos de notre époque s’érodent, les mots se chuchotent dans l’écume des étoiles. Nicole Hardouin, par ses mots, s’accorde au chant de la sirène, si reine.
Elle a volé le trident de Neptune, le cordage du possible. Les oiseaux volent au-delà de son orient et les plombs fondent, le Pont des Soupirs se noie dans l’insolence de ses songes.
Au flamboiement des bûchers de sa mémoire les oracles se taisent, les loups hurlent dans la sensualité et la foudre d’arpèges sauvages. Elle a soudain des yeux d’algue, des cheveux d’écume. Elle écoute les secrets, les aligne à la recherche d’un soleil noir.
Les effets poétiques sont saisissants. Le côté opposé du vêtement, totalement asymétrique, laisse la peau dénudée, le bras est orné d’un bracelet : un serpent s’enroulant du coude à l’arrondi de l’épaule. La robe se ferme uniquement par deux attaches : l’une sous le bras, l’autre à la pointe de la hanche.
Lorsque Lilith marche, sa robe ondule souplement, sagement à droite, tandis qu’à gauche la peau capte le reflet des flammes qui jouent sur une fine chaîne entourant sa taille. Ce bijou garde les extrémités ornées de perles : une noire et une rose qui se frottent sur sa hanche.
Dans le feu du stupre et de la fornication Lilith erre, hume, goûte. Oui c’est une gourmande, curieuse. Ici recommence sa dérive.
Malgré sa retenue, elle peut être fugueuse lorsque ses amants s’égarent en des goulets clandestins. Audacieuse en s’enlaçant à des déferlantes, serpentine dans ses affolements, tentatrice lorsque, entre déraison et tentation, elle propulse son extrême mobilité vers ceux dont elle assure la perte et le gain.
jean-paul gavard-perret
Nicole Hardouin, Lilith, l’amour d’une maudite, préface d’Alain Duault, couverture par Colette Klein, éditions Librairie-Galerie Racine, juin 2020, 82 p.- 15,00 €.