Christophe Chomant est un cuisinier d’un genre particulier. Il fomente près de ses fourneaux des mets intempestifs : des livres qui sont l’affaire ou plutôt la passion de sa vie.
Cela a commencé très tôt par la ronéo de son instituteur de CM1. Le temps est passé et désormais il publie des ouvrages de divers genres : roman, théâtre, poésie, mémoire, texte ancien, livre d’artistes, atelier d’écriture et livre-objet.
L’éditeur est de plus auteur. Il a écrit, entre autres, plusieurs romans dont La petite Lézarde, Les Fiancés du crépuscule ou encore Perles de brume qui évoque la fuite au fin fond de la péninsule sud-américaine d’un Français fuyant on ne sait quel spectre et découvrant le bonheur d’une existence minimaliste.
Christophe Chomant publie enfin des textes érotiques et poétiques entre autres ceux de “Sandrine H” sans que l’on ne sache qui se cache sous ce H inspiré…
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Soit la sonnerie criminelle d’un réveil. Soit l’incapacité de demeurer plus longuement au lit sous le bouillonnement des pensées, idées et envies.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des livres.
A quoi avez-vous renoncé ?
À rien. Et c’est l’un de mes principaux défauts.
D’où venez-vous ?
Si j’en crois ma carte ADN : d’Angleterre, de Scandinavie, de Russie et de Judée. (Il y a de cela des siècles et des siècles.)
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Le feu de ma mère et le lac de mon père.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Ouvrir mon esprit à des stupidités du web quand j’ai terminé ma journée de 14h.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres éditeurs ?
Imprimer les livres dans mon séjour et les façonner dans ma cuisine.
Comment avez-vous commencé dans ce métier ?
Quand mon instit’ Freinet, de CM1, nous faisait taper des textes libres à la machine et les ronéoter pour en faire un journal que nous vendions dans les cages d’escalier.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Quand j’avais six mois, un grandiose et somptueux domaine à la campagne, avec des pelouses s’étendant à l’infini et des arbres touchant le ciel. Et que je n’ai d’ailleurs jamais revu depuis.
Et votre première lecture ?
“Mickey et les mille diamants”, Bibliothèque Rose, 1970.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Tout Bach, adagios baroques, classiques ou romantiques, concertos romantiques, musique de chambre romantique ou impressionniste, tout Richard Strauss, jazz, swing manouche, tango nuevo, bossa nova et Voulzy.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Aucun. Relire le même texte, tout comme réécouter le même discours, m’ennuie et m’exaspère. C’est autant de temps de perdu à découvrir et intégrer de nouvelles choses.
Quel film vous fait pleurer ?
“Cinema Paradiso” ou “Always”.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une personne à l’air à peu près respectable, à mille lieux de l’ours visible sur des photos – ce qui est une insondable énigme puisqu’il s’agit de la même personne et du même observateur.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Avoir le culot d’écrire sans complexe à quiconque quand je le désire – artiste, écrivain, ministre… – est l’un de mes péchés.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Delphes, parce que s’y trouve le « nombril du monde ».
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Ceux qui menèrent une existence tranquille et ne furent découverts et reconnus (ou pas) seulement qu’après leur mort.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Aucun bien matériel, dont nous sommes tous gavés jusqu’à l’écœurement et dont notre planète est épuisée. Juste un petit plaisir symbolique ou consommable, tout simplement.
Que défendez-vous ?
La liberté, la vérité, le plaisir, l’émotion, la justice et le droit d’être soi.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Désolé, Jacques, mais certaines personnes, s’aimant sans doute suffisamment elles-mêmes, sont en capacité d’offrir à autrui un amour réellement altruiste et gratuit qui le porte et lui donne des ailes.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Qu’on soit ou non atteint d’Alzheimer, le fait de répondre à une question n’est-il pas déjà le signe qu’on est encore vivant ?
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Avez-vous l’impression d’être heureux ? Ce à quoi la réponse est oui. Même si ce n’est qu’une impression. Ce qui nous amène à la question suivante : avoir l’impression d’être heureux ne suffit-il pas à l’être réellement ?
Entretien et présentation réalisé par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 10 septembre 2020.