L’exposition du Palazzo Grassi permet un long voyage dans l’oeuvre de Youssef Nabil. Elle fait planer la nostalgie d’un temps révolu et une critique sociale par des prises selon une ancienne technique largement employée pour les portraits de famille ou pour les affiches de films qui peuplaient les rues du Caire.
Les photographies argentiques sont peintes par le créateur.
L’ensemble permet de découvrir différentes séries produites par le créateur qui transforme la vision de l’érotisme masculin et féminin. Cette rétrospective cultive au besoin les discontinuités, les éboulis.
L’œil en est réduit au doute, au paradoxe à l’improbabilité d’un centre ou d’un fonds qui n’interdit en rien la romance mais la transforme en des reliquats où les idées grouillent comme dans les coulisses du monde dans une vérité de noblesse particulière face au fade et au frelaté.
Nul besoin de glose ou de codex. Et de leurre de clés plus ou moins douteuses. Le tout par ellipses de plusieurs foyers à la frontière de l’invisible distillé dans de géniales métonymies.
On part du réel mais on n’y reste pas car tout est agencé pour perdre le regardeur. Il pénètre un lieu dont il ignore le nom.
Il existe bien des prolongements et des mystifications où le regard se fixe. L’artiste, lui, propose de passer sous des arches qui le dépassent et où l’univers semble sans dessus dessous et sans dessous dessus.
Les mouvements induits sont moins orientés que magnétisés par divers point de fuites, poudroiements, protubérances ou creux.
jean–paul gavard-perret
Youssef Nabil, Once Upon a Dream, Palazzo Grassi, Venise, du 11 juillet 2020 au 20 mars 2021.