Ferdinand Gouzon, L’essence du style (The Long Goodbye de Robert Altman)

Gould / Alt­man / Gouzon

Le texte de Fer­di­nand Gou­zon rap­pelle que le film d’Altman évoque l’histoire d’un homme (Eliott Gould) qui “ne se dépar­tira jamais de son cos­tume, et donc de son style, quel qu’en soit le prix. Seule l’élégance et son négligé comptent. Et une cer­taine morale de l’amitié.“Néan­moins, le comé­dien inou­bliable dans MASH  tra­verse cette prose — comme le film d’ailleurs — en une sorte d’apesanteur tant il peut sem­bler incon­sis­tant, éva­poré, inoffensif.

Cette pré­sence peut sem­bler dou­teuse — car l’homme, sous son cos­tume débraillé, fut de chair avec tout ce que cela implique comme risque et erreur. Se retrouve ici un Eliott Gould dépassé et déphasé et volon­tai­re­ment démodé au volant de sa Lin­coln Conti­nen­tal déca­po­table noire de 1948.
Loin de la Cali­for­nie psy­ché­dé­lique de l’époque, il ignore le haschich, l’encens et reste fidèle à ses ciga­rettes sans filtre qui le noient sous leur fumée. Face à la moder­nité de l’époque et les plages de Malibu il reste mal­gré tout un per­son­nages hollywoodien.

L’a-t-il décrété ? Sans doute pas même s’il fut le com­plice pas­sif d’une telle image. A côté du monde, sans le dis­cu­ter ou l’imiter, il a pour­suivi sa route comme Gou­zon le rap­pelle. Son livre imprime une “image de l’image” déca­lée du comé­dien qu’on retrou­vera dans Friends.
L’auteur n’en rajoute pas. Et c’est bien. D’une cer­taine façon, Gould est en lui-même. Il reste éloi­gné de ceux qui l’ont entouré —  pour sou­vent le tra­hir. Mais il n’en a cure. Il s’est natu­rel­le­ment éloi­gné de ce qui pou­vait l’offusquer pour s’investir mas­si­ve­ment dans ce qui lui res­tait à faire. Pas ques­tion pour lui de s’évanouir en une haine blanche ou de toute autre cou­leur. Dans sa flot­tai­son exis­ten­tielle il se sera à sa manière accom­pli et diverti.

Comme Alt­man, il aura filmé son monde en dis­tri­buant les rôles et pré­voyant déjà le chan­ge­ment de rôle. Le tout dans une intros­pec­tion que les images du film inté­rieur ramènent d’on ne sait où.
La ten­sion semble chez lui est repor­tée à son plus bas niveau et l’ennui est habi­le­ment intro­duit dans le décor arti­fi­ciel de L.A…

Existe là un fou­droie­ment par la vie, la non-garantie abso­lue, la soli­tude là où, à la recherche d’un jeu d’acteur par­ti­cu­lier, il impro­visa, cor­ri­gea  ses faux-pas pour en pul­vé­ri­ser la médio­crité et la com­plai­sance tou­jours pos­sibles.
Il y a donc là une expé­rience des limites du lan­gage, du cinéma et de la vie elle-même. Et il fut le plus éton­nant des Mar­lowe dans Le Privé d’Altman.

jean-paul gavard-perret

Fer­di­nand Gou­zon, L’essence du style (The Long Good­bye de Robert Alt­man), Les édi­tions der­rière la salle de bains, Rouen, 2020 — 5,00 €.

Leave a Comment

Filed under cinéma, Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>