Le texte de Ferdinand Gouzon rappelle que le film d’Altman évoque l’histoire d’un homme (Eliott Gould) qui “ne se départira jamais de son costume, et donc de son style, quel qu’en soit le prix. Seule l’élégance et son négligé comptent. Et une certaine morale de l’amitié.“Néanmoins, le comédien inoubliable dans MASH traverse cette prose — comme le film d’ailleurs — en une sorte d’apesanteur tant il peut sembler inconsistant, évaporé, inoffensif.
Cette présence peut sembler douteuse — car l’homme, sous son costume débraillé, fut de chair avec tout ce que cela implique comme risque et erreur. Se retrouve ici un Eliott Gould dépassé et déphasé et volontairement démodé au volant de sa Lincoln Continental décapotable noire de 1948.
Loin de la Californie psychédélique de l’époque, il ignore le haschich, l’encens et reste fidèle à ses cigarettes sans filtre qui le noient sous leur fumée. Face à la modernité de l’époque et les plages de Malibu il reste malgré tout un personnages hollywoodien.
L’a-t-il décrété ? Sans doute pas même s’il fut le complice passif d’une telle image. A côté du monde, sans le discuter ou l’imiter, il a poursuivi sa route comme Gouzon le rappelle. Son livre imprime une “image de l’image” décalée du comédien qu’on retrouvera dans Friends.
L’auteur n’en rajoute pas. Et c’est bien. D’une certaine façon, Gould est en lui-même. Il reste éloigné de ceux qui l’ont entouré — pour souvent le trahir. Mais il n’en a cure. Il s’est naturellement éloigné de ce qui pouvait l’offusquer pour s’investir massivement dans ce qui lui restait à faire. Pas question pour lui de s’évanouir en une haine blanche ou de toute autre couleur. Dans sa flottaison existentielle il se sera à sa manière accompli et diverti.
Comme Altman, il aura filmé son monde en distribuant les rôles et prévoyant déjà le changement de rôle. Le tout dans une introspection que les images du film intérieur ramènent d’on ne sait où.
La tension semble chez lui est reportée à son plus bas niveau et l’ennui est habilement introduit dans le décor artificiel de L.A…
Existe là un foudroiement par la vie, la non-garantie absolue, la solitude là où, à la recherche d’un jeu d’acteur particulier, il improvisa, corrigea ses faux-pas pour en pulvériser la médiocrité et la complaisance toujours possibles.
Il y a donc là une expérience des limites du langage, du cinéma et de la vie elle-même. Et il fut le plus étonnant des Marlowe dans Le Privé d’Altman.
jean-paul gavard-perret
Ferdinand Gouzon, L’essence du style (The Long Goodbye de Robert Altman), Les éditions derrière la salle de bains, Rouen, 2020 — 5,00 €.