Le western retrouve des couleurs et nombre d’auteurs proposent des récits qui s’inscrivent dans ces années où l’Ouest américain était peu à peu peuplé d’immigrants.
Dans le Dakota du Nord, en avril 1896, Felipe Mc Dougall rejoint Ambrosius Morgan, dit Old Spur Morgan, dans une cabane au fond des bois enneigés. Les deux hommes travaillent pour le ranch Double R. La patronne a confié une lettre pour Ambrosius. Il apprend qu’il a eu une fille, Uza Jane Curtis, avec la femme rencontrée il y a vingt-deux ans. C’est parce qu’elle est veuve, que son aînée a disparu du côté de la frontière mexicaine qu’elle s’est décidée à lui écrire.
Mc Dougall expose la situation difficile du ranch, la patronne n’a plus d’argent et va s’en doute vendre au patron du saloon, un homme qui rachète les fermes des colons en difficultés pour des bouchées de pain. Morgan décide de retrouver sa fille. Il rejoint sa patronne lui faisant promettre de tenir bon, d’être toujours là à son retour. Au saloon, il règle le problème.
Il traverse le Dakota du Sud, le Nebraska, l’Arizona. Pensant être poursuivi, il évite les villages, les villes, se ravitaillant dans des comptoirs perdus, chez des Indiens isolés. Mais un tel parcours n’est pas sans risques. C’est quand il est intoxiqué par une eau qu’il n’a pas fait suffisamment bouillir qu’il voit un jeune indien. Il pense à une hallucination et découvre qu’il s’est fait dépouiller de tout pendant son indisposition…
Avec cet album, Tiburce Oger veut renouer avec l’aventure, avec l’homme face à une nature qui déploie son hostilité, face à des humains qui trouvent plus facile de dépouiller les autres.
C’est aussi la passion des grands espaces et Tiburce Oger fait preuve de son intérêt pour ceux-ci en les multipliant et en les magnifiant. Il donne d’aussi belles pages de paysages sous la neige que d’étendues arides sous un soleil de plomb.
Il situe son intrigue à la toute fin du XIXe siècle, une période charnière qui voit la conquête de l’Ouest s’achever pour faire place à la “civilisation”. Un monde disparaît pour faire place à une nouvelle société qui n’est pas plus lumineuse.
L’intérêt de ce récit réside dans ce changement d’époque, entre ce qu’a vécu un vieil homme qui avait vu ce qui a été appelé le rêve américain, ce moment où un immigrant pouvait construire une vie meilleure que celle qu’il avait quittée.
C’est également cette rupture vécue par un homme qui avait commencé sa vie dans une contrée sauvage et qui voit un type de société le rattraper. L’intrigue porte sur ce road movie, cette route vers une fille inconnue en compagnie d’un petit indien qui apparaît au moment où le héros vient de se faire dépouiller. Était-il avec les voleurs ? Pourquoi s’attache-t-il à suivre les pas du vieillard ?
Le dessinateur-coloriste signe une mise en images de toute beauté, soignant les paysages, les décors, donnant à ses personnages une présence certaine, des postures tout à fait réalistes.
Avec une mise en couleurs faisant chanter les planches, Tiburce Oger signe un magnifique album, une histoire originale à de nombreux points de vue.
serge perraud
Tiburce Oger, Ghost Kid, Bamboo, coll. “Grand Angle”, août 2020, 80 p. – 18,90 €.
Merci beaucoup pour cet article Tiburce Oger