Un vertigineux prestidigitateur
Se transformant en “carpentarie” (conducteur de char gaulois), l’auteur –comme ses héros - se moque des prétoriens qui voudraient lui couper la bride.
Ils l’ont déjà sur le cou et leur visionnaire fait cliqueter les mots quels que soient les lieux et les temps de ses enquêtes.
Au moment où l’auteur de Ric Hochet (André-Paul Duchâteau) vient de nous quitter, Carpentier lui rend de facto un bel hommage. Comme chez le Belge, il rend le présent et ses gouffres réels. Mais ces derniers ne sont plus rien face à l’écriture qui les transforme au sein de telles nouvelles.
Les soirées de meurtres s’y font aussi drôles que sophistiquées mais, fidèle à son enquêteur et ses règles, l’auteur donne l’impression de ne pas y toucher.
Dans ces histoires top secrètes, tout le sens — ou le non sens — est digne de la loufoquerie du surréalisme narratif belge.
Même si l’auteur est un gaulois (voir plus haut), il auto-crée son adoubement à l’Outre-Quiévrain par le titre de son livre.
Tout demeure sans dessus dessous : les trous n’existent pas et les tours se dandinent dans un humour râpeux et léger et des séries de “gags” à froid.
La poésie en morne plaine joue les filles de l’air entre les morts tout court et ceux qui restent en sursis.
Le “je” narrateur ressemble parfois à un tintement de clochette, une rampe, un petite tache brune ou encore une excavation.
Et tout compte fait, les histoires comptent beaucoup moins que leur traitement par une écriture d’un vertigineux prestidigitateur.
jean-paul gavard-perret
Francis Carpentier, Mission à Bruxelles, Editions Malpertuis, Noisy le sec, 2020, 76 p. - 5,90 €.
Bien vue, la référence au surréalisme belge !