Une actionniste situationnniste
Souvent l’art se construit par celles et ceux qui, lui échappant, le renouvellent. En un but d’expérimentation scientifique dans le domaine de la gestion, par son Fabularium, la chercheuse Hélène Michel dépasse son objectif premier en créant des installations et performances “in situ” et d’un genre original.
Inventant son étrange machine désirante, mise à la disposition non seulement du regard mais de la pratique des promeneurs, curieux, etc., celle qui est devenue artiste sans le savoir, sort l’objet d’art du fétiche et de la contemplation passive.
Elle s’efface derrière son objet et son objectif. Bref, elle passe au second plan pour laisser circuler le libre plaisir (ou d’ailleurs l’angoisse parfois) par sa machine qui devient res publica plus que chose. Elle l’introduit dans différents topos de Savoie et Isère pour interroger le territoire.
Tout ici est neuf. Sous le but d’une collecte de données sur l’appréhension du paysage, s’ouvre une véritable fermentation de l’art et de sa pratique par l’invitation à écrire “ce qui arrive”. Et ce, dans la psyché de celles et ceux qui acceptent une telle expérience et cassent leurs propres résistances.
L’objet mobile et mécanique devient médium/media. Il interroge par son incongruité et permet au passant d’y trouver un processus loin de toute artificialisation figée. Il n’est pas jusqu’à l’habituelle carte postale normée voire folklorique du paysage qui soit remplacée par une cartographie scripturale aussi émotive que réflexive.
L’objet esthétique est arraché à sa fonction passive. Il devient embrayeur de plaisir et de méditation. Car à son “injection” première répond celles de ceux qui en deviennent les actants, les acteurs. Se récrée en ce jeu un élan vital et libidinal.
Celui-ci se réincarne car l’artiste ne joue plus la monarque. Sa machine se frotte aux lieux et aux regardeurs non pour les diviser mais pour en rapporter le quotient dans un régime “actionniste” et “situationniste”. Hélène Michel est devenue artiste à part entière par la bande (entre autres de sa vieille Remington).
Elle ajoute un irreprésentable du paysage et du territoite par les intrusions et ouvertures qu’elle propose.
De l’air à nouveau passe à travers cette machine qui offre autant la possibilité d’un “halo sentimental” qu’un acte de préhension par rêverie ou méditation là où s’invente une autre manière de voir et de dire.
Hélène Michel prouve enfin qu’il existe des poètes partout.
lire notre entretien avec l’auteure
jean-paul gavard-perret
Hélène Michel, Le Fabularium, exposition.
Grand merci à Université Savoie Mont Blanc qui a formé Dame Hélène au cheval de Troie actionniste situationniste !