Avec la ville de Naples comme décor, des individus de certaines couches sociales composant la population, le romancier détaille le parcours de trois principaux groupes de personnages qui suivent des pistes similaires.
Dans une intrigue étonnante, il dresse le portrait d’un monde télévisuel, de la police et de réseaux inquiétants au possible.
Marino Righi est assis dans son salon face à un homme qui le menace d’un pistolet. Celui-ci tire, fouille l’appartement, s’active de façon méthodique. Il repart tranquille et rejoint une voiture où on l’attend.
Katia Sironi, l’agent de Carlo Monterossi ne comprend pas pourquoi il refuse de continuer Crazy Love, l’émission qu’il a produite, une émission qu’il juge, maintenant, de merde pour la Grande télé Commerciale.
Deux hommes sont reçus par un avocat d’affaires pour régler le problème d’un de ses clients. Celui-ci a recruté un malfrat pour déloger, d’un terrain qu’il convoite, un campement de Gitans. L’affaire se passe très mal mais, depuis, le client a trouvé un chat mort dans sa voiture de luxe et une demande de cinquante mille euros.
Carlo est devant l’émission qu’il refuse d’assurer quand un livreur se présente. Ce dernier, au lieu d’un colis, tient un pistolet. Par réflexe, Carlo jette ses trois doigts de whisky à la tête de l’homme puis le verre entier à son visage. L’homme tire et tue Bob Dylan. Carlo s’évanouit. Les voisins ont prévenu la police, deux agents sont sur place ainsi que la police scientifique. Comme il y a plus de peur que de mal, on lui demande de passer le lendemain pour déposer sa plainte. Dans la cuisine, Carlo découvre un petit flacon qui contient un… doigt humain.
Il apprend par un policier que ce doigt aurait dû se retrouver sur son cadavre, dans un endroit incongru. Ils ont déjà constaté un cas similaire. Carlo décide, face à l’incurie policière, de s’assurer de l’aide de deux amis. Et les événements se précipitent, une course-poursuite-dangereuse s’engage…
Si l’intrigue est attractive, le ton, la verve de l’auteur, l’art du récit emportent l’adhésion. Le style est virevoltant, humoristique en diable, truffé de réflexions frappées au sceau du bon sens. C’est truculent, Robecchi usant d’images excessives, outrancières qui déclenchent le rire. Il s’auto-parodie, se reconnaît des défauts de narration qu’il pointe lui-même.
C’est un mélange de phrases courtes et saccadées à la Céline, d’énumérations drolatiques à la San Antonio, d’expressions à l’emporte-pièce dignes des Tontons flingueurs et autres films dialogués par Michel Audiard.
Le romancier détaille ces émissions de télévision qui font fureur, mettant en scène des individus qui exposent leur vie. Mais, il approfondit son propos sur les mouvances souterraines de la ville, les liens entre des catégories sociales, des arcanes politiques, les dessous criminels et une police en retenue, taxable d’incompétence.
Il donne au passage une galerie de personnages haute en couleurs entre son trio de héros composé de ce réalisateur de télévision, d’une jeune surdouée mais si révoltée et d’un journaliste. Un couple de tueurs et un duo de Gitans complètent heureusement le tableau. Alessandro Robecchi apprécie Bob Dylan, citant régulièrement par ailleurs des extraits de ses chansons, vers bien adaptés à la situation.
Un roman tonique, servi par une intrigue subtile menée avec maestria et une théorie de personnages dignes d’un Rabelais, où humour caustique et décalé voisinent avec bonheur.
serge perraud
Alessandro Robecchi, Ceci n’est pas une chanson d’amour (Questa non è una canzone d’amore), traduit de l’italien par Paolo Bellomo en collaboration avec Agathe Lauriot dit Prévost, éditions de l’aube, coll. “Noire”, août 2020, 424 p. – 21,90 €.