La littérature parle ici “à” ce que nous pensons à travers une “adresse” à nos propres idées et représentations. Les prostituées mineures jettent dans un ailleurs pour mettre un autre ordre dans le nôtre.
Auprès des ONG et des médecins, Bertina par l’écriture traite aussi des insultes et des blessures profondes mais aussi fait circuler de la vie et une paradoxale espérance.
Quittant la fiction pour ce voyage auprès de vraies jeunes filles de joie du Congo, l’auteur par l’écriture trouve un moyen de détruire certains clichés. La misère est là telle quelle mais l’auteur tente de créer son livre comme un lieu pour de telles femmes et où elles seront respectées.
Bertina ne les rabaisse pas, ne tombe ni dans le pittoresque ni dans la violence. Il diversifie les points de vue sans chercher à bricoler des personnages. Existe là une forme hybride. Une telle hétérogénéité en fragments — comme la mémoire elle-même - est fascinante.
Nous sommes là dans une vision de la prostitution qui montre l’esclavage et les réseaux à démanteler mais aussi ce qui en échappe. L’auteur tente d’accorder une place ouverte à de telles femmes abandonnées et traumatisées quelques années plus tôt où elles furent déclarées sorcières pour qu’on n’ait plus à s’en occuper.
Si le prédateur détricote les jeunes filles, l’auteur souverain se rapproche d’elles pour faire corps avec un monde y compris violent et dramatique mais où existe parfois l’attente d’une forme de joie.
Le tout sans morale dominante.
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jean-paul gavard-perret
Arno Bertina, L’âge de la première passe, Verticales, 2020, 272 p. — 20,00 €.