Gilly Macmillan, La Nanny

Un huis clos cap­ti­vant et terrifiant 

Gilly Mac­mil­lan est une roman­cière anglaise qui a, à son actif, cinq romans tous tra­duits aux Édi­tions Les Escales. Un sixième est annoncé pour 2020 avec un titre qui peut se tra­duire de l’anglais comme : Pour vous dire la vérité.
Elle excelle dans la construc­tion d’intrigues psy­cho­lo­giques mises en scène avec brio.

Joce­lyn se réveille en se sou­ve­nant de la grosse bêtise qu’elle a faite la veille, lors de la soi­rée. Elle appelle Han­nah, sa Nanny qu’elle aime plus que Lady Holt, sa mère. Celle-ci ne répond pas. La chambre est vide. Lord Holt lui dit qu’Hannah est par­tie, que c’est de sa faute car elle a été très vilaine. Très vite, Joce­lyn est mise en pen­sion bien qu’elle n’ait que huit ans.
Les années ont passé. Dès qu’elle a pu, elle a rompu toute rela­tion avec ses parents. Elle s’est mariée avec Chris. Ils sont par­tis en Cali­for­nie où elle a accou­ché de Ruby, sa fille.

Dix ans après, la mort acci­den­telle de Chris, la faillite de l’entreprise, sa situa­tion irré­gu­lière obligent Joce­lyn à reve­nir vivre chez sa mère, veuve récente éga­le­ment.
Si les rela­tions entre la fille et la mère sont dif­fi­ciles, elles sont tout de suite excel­lentes entre Vir­gi­nia Holt et sa petite-fille. Cepen­dant, lorsque Ruby demande à faire du bateau sur le petit lac, dans la pro­priété, sa grand-mère refuse, objec­tant que les barques sont en mau­vais état.
Joce­lyn s’arrange avec un employé de sa mère qui pro­pose le kayak de son frère. Elles naviguent ainsi jusqu’à la petite île cen­trale. En débar­quant, Ruby se prend un pied dans des racines. Sa mère, pour la déga­ger, tire sur quelque chose est extrait… un crâne humain frac­turé sur le des­sus.
Et puis, Han­nah réap­pa­raît dans la vie des Holt, donne une expli­ca­tion fort plau­sible de son départ et de son retour et s’installe dans le vil­lage… Mais com­ment les Holt assurent-ils leur train de vie ?

Dans le pré­sent roman, l’auteure invite le lec­teur à entrer dans la rela­tion entre trois femmes. Ce sont elles qui vont por­ter le récit même si d’autres pro­ta­go­nistes secon­daires vont jouer un rôle non négli­geable. L’histoire est contée en pro­po­sant des cha­pitres dédiés essen­tiel­le­ment à Jo et Vir­gi­nia, fai­sant ainsi vivre des évé­ne­ments ou expri­mer des opi­nions selon des points de vue dif­fé­rents.
Un ins­pec­teur de police expli­cite l’état d’avancement des enquêtes suite à la décou­verte du crâne. Quelques cha­pitres dévoilent des faits du passé.

La roman­cière détaille l’amour entre une fillette et sa nou­nou, les rela­tions dif­fi­ciles que la fillette entre­tient avec sa mère. Cet état de fait per­dure même quand la petite fille est deve­nue une femme dans la force de l’âge. Si les pre­miers cha­pitres apportent des infor­ma­tions qui vont dans le sens défini ci-dessus, très vite les sen­ti­ments, les évé­ne­ments font évo­luer une situa­tion qui s’embrouille à sou­hait.
L’auteure illustre de belle manière la com­plexité des sen­ti­ments, la dif­fi­culté des rap­ports entre les humains avec les non-dits, les non-vus, les faux-semblants, les arcanes et les désar­rois. Elle met en scène des émo­tions sin­cères, des tra­hi­sons, la dupli­cité, les sen­ti­ments amou­reux, l’ambition et la volonté de se his­ser hors de sa classe sociale.

Gilly Mac­mil­lan maî­trise un solide sens du récit pour conju­guer plu­sieurs pistes, pour mener son lec­teur vers une conclu­sion dan­tesque où le poids du passé prend une belle impor­tance. Elle met en place, avec ses per­son­nages qui sont loin d’être ce qu’ils paraissent, une série étour­dis­sante de retour­ne­ments, jouant sur le dédale des troubles de la nature humaine, sur la capa­cité de nui­sance des indi­vi­dus, mais aussi sur la recherche éper­due d’une recon­nais­sance, d’une sen­sa­tion d’exister, d’être impor­tant.
Elle s’autorise de nom­breuses touches d’humour, se pas­ti­chant quelque peu quand elle fait dire à l’un de ses per­son­nages : « Et toi qui pen­sais que je lisais trop de romans policiers. »

Avec La Nanny, la roman­cière livre une fort belle his­toire humaine avec presque toutes les facettes, bonnes et mau­vaises, des carac­tères humains, le tout dans une intrigue qui main­tient une ten­sion jusqu’à une chute finale énorme.

serge per­raud

Gilly Mac­mil­lan, La Nanny (The Nanny), tra­duit de l’anglais (Royaume-Uni), par Isa­belle Maillet, Les Escales, coll. “Noire”, juin 2020, 432 p. – 21,90 €.

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