Casser le carcan de l’impossible rondeur d’être
En dépit de la charge de douleurs créée dès l’enfance sous l’effet de la guerre et de l’exil, la poétesse et scientifique croate Monika Herceg crée un monde entre réel et imaginaire où des forêts se remplissent de femmes et de leurs cueilleurs, d’animaux plus ou moins sauvages et de superstitions.
Entre les draps du rêve et du cauchemar la poésie se réveille pour révéler des lieux où, parcimonieusement, s’annulent parfois la courbe, le cercle du recommencement, le désir de la suite.
Mais, pour autant, la poétesse “tient” afin d’éventrer ou casser le carcan de l’impossible rondeur d’être.
Monika Herceg réinvente des angles, des coutures. Redevient sujet plus qu’attribut en perte de pensée. La tête de la créatrice n’est jamais un bilboquet qui perdrait sa boule.
Des spasmes d’entrailles retenues murmurent des mouvements vitaux là où des poussières de lucioles parcourent la houle des veines,
La poétesse brise les lignes, efface les points figés sans épaisseur. Les atomes s’agitent pour que celle qui fut enfant grandisse.
Elle éloigne “soigneusement la mort dans les animaux / les nourrissant avec de l’herbe fraîchement coupée et du foin,”, la retire même si certaines images restent tendues par celle dont le corps de son père et de sa mère s’est raidi.
Et de bien d’autres encore qui en sont nourris parfois involontairement par notre faute.
jean-paul gavard-perret
Monika Herceg, Ciel sous tension, traduit par Martina Kramer, Editions de l’Ollave, Rustrel, 2020, 80 p. — 15,00 €.