Stéphane Gauthron, Ainsi l’eau monte

L’inon­da­tion

Contre une cer­taine vio­lence du monde et sans for­cé­ment opter pour la dou­ceur, Sté­phane Gau­thron, pour son pre­mier recueil, mène dans des che­mins étranges à tra­vers des traces de para­doxales appa­ri­tions où la mémoire — mais pas seule­ment car son car­can cra­quèle — résiste contre ce qui tue.

L’amour se dresse, isolé dans chaque page, dégagé de son contexte ini­tial. L’auteur arrache, extrait, isole par­fois jusqu’à se trans­for­mer en femme créa­trice d’un “abri de for­tune / à un amour qui brûle / aux yeux froids grands comme des lunes / qui attendent / sous les pas”.

Plus géné­ra­le­ment, le corps plonge au besoin dans la nuit en des lignes faus­se­ment “creuses” et gor­gées de “brumes inces­santes” dans l’espoir d’une crue.
Quelque chose avance parmi des pas per­dus là où à la fois tout s’élargit mais où tout est sombre entre les mots durs et ceux qui res­tent plus par­ci­mo­nieux mais doux pour cas­ser le silence de celui qui semble n’avoir pas tou­jours eu de noms pour mieux filer dans le cou­rant sans finir for­cé­ment mer­lan frit d’un bouillon de culture.

Le texte se par­tage sou­dain en une sorte de temps de frac­ture. il  devient une sorte de poème en prose.
Plus loin existent des visions cruelles où la parole tente de rele­ver de défi au moment où la femme elle-même prend la parole pour sau­ver le monde — du moins ce qui peut l’être — et per­met à l’homme de gran­dir quel que soit son fardeau.

La puis­sance est tou­jours pré­sente dans ces écailles que les Trois Petites Truites Edi­tions ont mis en espace pour mon­trer com­ment sor­tir du cam­bouis de la nuit à la fois indi­vi­duelle et col­lec­tive. Une vérité pro­fonde émerge contre la déper­di­tion.
Arra­che­ments, extrac­tions, découpes per­mettent de voya­ger dans le temps en renais­sant de ses pou­belles et de ses cendres loin des enti­tés néga­tives qu’une sorte d’”Alice” adulte per­met d’effacer.

Le livre devient une voix divi­sée et mul­tiple assi­gnée au papier. Elle est aussi l’hyperbole infi­nie de la des­ti­née de l’être en grâce, en mutisme et en lutte au nom de l’amour.
Dès lors, là où, en tour­nant les pages, “l’eau monte”, tout ce qui va et arrive annonce une sur-vie plus qu’une survivance.

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jean-paul gavard-perret

Sté­phane Gau­thron, Ainsi l’eau monte, Trois Petite Truites Edi­tions, Crest, non paginé, 2020 — 8,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Poésie

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