D’insolites jardins, n° # 2 de Passage d’encres II

Inso­li­tudes

La revue Pas­sage d’encres renonce par nature à la ten­ta­tion de pro­po­ser textes et images qu’on pour­rait  rap­pro­cher des dis­cours à la mode sur le thème choisi.  D’insolites jar­dins  ne déroge pas à la règle. On est loin des tra­vaux réunis dans Tra­verses consa­cré au sujet, des approches d’un Paul Viri­lio ou d’un Hubert Tonka. Ce numéro ne vit pas de textes ou d’images anciennes, il ne se veut pas tuteur de points de vue écu­lés. Il pro­pose une com­pré­hen­sion lin­guis­tique, poé­tique, visuelle, du pay­sage et de ses schèmes en tenant compte des élé­ments employés pour leur construc­tion comme ceux de leur maquette.
Du jar­din ouvrier à celui de parade et d’ostentation, les ambi­tions et les fonc­tions du jar­din sont évi­dem­ment d’ordres spa­tiaux, sociaux et poli­tiques bien dif­fé­rents. Des archi­tectes comme Rem Kool­hass l’ont d’ailleurs bien com­pris. En aucun cas le jar­din ne devrait être traité comme une aire à part, une simple res­pi­ra­tion, repos ou « pou­mon », bref une paren­thèse de l’urbain. On espéra un temps — selon une pers­pec­tive hérité de Ver­sailles et pas­sant par les nou­veaux pay­sa­gistes comme Yves Bru­nier — mettre le jar­din à l’unisson d’axes majeurs de la ville. Crise et cupi­dité aidant  il en est de moins en moins ques­tion. Le jar­din fait le gros dos et signe géné­ra­le­ment un pacte d’alliance entre le pou­voir et son affi­chage (Fran­çois Hol­lande pour sa photo offi­cielle est saisi dans le jar­din de l’Elysée).

Les contri­bu­tions de ce numéro – en par­ti­cu­lier celles de Jean Arros­té­guy, Phi­lippe Clerc, Katia Roes­sel, Piero Sal­za­rulo, Ulker Ucqar – illus­trent dif­fé­rentes pra­tiques ou théo­ries du pay­sage et de ses enjeux. La revue met par exemple en évi­dence l’introduction d’un Arte Povera dans un tel espace et illustre com­ment des maté­riaux de visua­li­sa­tion ou de créa­tion peuvent chan­ger les ambi­tions de géo­mé­tri­sa­tion des espaces. Si bien qu’ici le jar­din de ville sort des arbres et plantes à fleurs et celui des péri­phé­ries des légu­mi­neuses. Les plans et les plantes grimpent sur les claires-voies d’une autre pen­sée. Elle ose des lumi­gnons oranges et des gazons bleus comme le fut un temps celui de l’aéroport d’Osaka.
Ana­lystes et créa­teurs, sous l’égide de Chris­tiane Tri­coit, orga­nisent le « meurtre » des jar­dins anglais et fran­çais afin de mettre en valeur le désordre que le terme d’insolite tente de syn­thé­ti­ser. Se dégage un lan­gage propre du jar­din. Phi­lippe Clerc ou Sal­za­rulo illustre com­ment le jar­din nous regarde le regar­der. A l’opposé d’une illu­sion pay­sa­gère réa­liste, fidèle, objec­tive, natu­relle de la réa­lité, entre­te­nue par la foi en un signi­fié trans­cen­dant garant de l’ordre, Léo­nie Schlos­ser, Louise Skira offrent non seule­ment une topo­gra­phie du lieu mais son uto­pie et prouvent com­ment dans le jar­din se mani­feste tou­jours quelque chose du regard. Ce regard tout entier se fait pay­sage au moment où Yves Bou­dier prouve que le cœur d’une ville, quoiqu’en disait Bau­de­laire, ne change pas plus vite que celui d’un mor­tel. Le pre­mier reste l’illustration d’un sys­tème plus idéo­lo­gique que — à l’inverse du second — orga­nique. Et c’est bien là le problème.

jean-paul gavard-perret

D’insolites jar­dins, n° # 2 de Pas­sage d’encres II, Pas­sage d’encres – Mou­lin de Qui­lio – F-56310 Guern

1 Comment

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One Response to D’insolites jardins, n° # 2 de Passage d’encres II

  1. Françoise Granger

    Ce der­nier numéro de la revue sera pré­senté ce soir à 18h30 à Paris XIXè, au MOTif, 6 Villa Mar­cel Lods, Pas­sage de l’Atlas

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