Romain Monnery a traduit à la fois recueil de poèmes et de dessins inédits de Bukowski parus dans divers magazines, conservés dans des bibliothèques ou collections privées et Sur l’écriture, une anthologie de textes inédits sur le travail et le quotidien de cette véritable icône de la contre-culture américaine.
L’art de reluquer les femmes et de porter l’attention sur les chats qui transportent les secrets du poète ivrogne est restitué dans ces deux ensembles disparates mais essentiels car subversifs, bien éloignés d’une écriture de pilier de comptoir. Elle est coriace pour faire sortir d’un coeur arrosé de whisky “l’oiseau bleu qui veut s’échapper” mais que l’auteur retient de manière astucieuse. Il sait qu’il est là mais ne le laisse chanter qu’un peu et sans pleurer.
Se moquant de l’obscurité, Bukovwski poète trouve par la poésie un moyen d’être toujours vivant en épousant déchets organiques et feuillets poétiques écrits lorsque, dit-il, il est trop bourré pour aller au-delà de brimborions narratifs. Il tient à son côté sculpteur de mots pour prendre aux tripes par leurs sonorités.
George Martin son éditeur californien, loin du main stream de l’édition, lui a permis de sortir de son travail de postier et resta toujours attentif à ce que l’auteur écrivit pour retenir ce qui était fort en énergie et simplicité dans ce qu’il nomma “une ligne claire” (chère normalement à la B.D.)
Souvent, un lien tente d’être établi entre Lowry et Bukowski à cause de la bouteille, mais le second trouve le premier sans vie et sans soleil autre que de “blablabla”. A l’inverse, “Buk” cherche l’énergie, la saveur du jus d’envie. Pour lui, trop d’écrivains endorment et il opte pour une écriture plus “électrique”.
C’est pourquoi l’auteur à horreur de la description. Avec sa manière physique d’écrire devant sa machine qui ressemblait à un tank près de son évier. Seul Sherwood Lawson compte à ses yeux.
Encore aujourd’hui et pour beaucoup d’intellectuels, sa poésie ne vaut pas un clou. Mais, pour beaucoup de lecteurs, il reste le seul poète trop et mal caricaturé en France par l’épisode fameux de l’émission de Pivot. Bukowsli n’a rien à voir avec cette mise en scène. Poète tardif, il est capable d’émouvoir par ses mot qui prennent le contre-pied de l’image qu’on voulut lui coller.
L’auteur peut être parfois méchant et a trahi des amis car il avait le vin mauvais. Il ne cache rien dans ces deux livres : les règlements de compte sont là mais il y est question de musique et de littérature : Malher, Bach, Boris Vian, Céline, Tourgueniev, Fante, Carson Mac Cullers. Il assassine toutefois Henry Miller et ceux qu’il considère comme les dégénérés de l’écriture, “enfoirés”, “alambiqués” et appliqués “enculeurs de poulets”.
Fanatique des champs de course, Bukowski y respire le soleil pour ensuite y aérer ses poèmes. La clarté est sa seule doxa.
Il cherche l’honnêteté (qui n’est pas forcément la vérité) et la brutalité. Il demeure à ce titre incontournable.
lire un extrait
jean-paul gavard-perret
Charles Bukowski, Tempêtes pour les morts et les vivants & Sur l’écriture, traduction de Romain Monnery, Au Diable Vauvert, Paris, 2017 et 2019,
Merci pour Charles Bukowski.