Il y a du théâtre élisabethain et beckettien chez Philippe Thireau. Il aime mélanger les genres dans — dit-il — son “oeuvre au noir qui s’élabore lentement” et qui peut au besoin ressembler (mais ressembler seulement) à un théâtre pour enfants.
Et dans ce cas, ils vont grandir très ou trop vite.
De chaque pièce jaillit une “terreur intime” de divers acabits. Dans J’entends les chiens un avatar de Richard III ou d’autres rois shakespeariens ne chevauche qu’un bidet qui, pour peu, ne serait que de bois.
Chez cet Oordt, la cavalerie donne envie de pisser plus que d’affronter de troupes de bêtes sachant que, tout compte fait, ce serait pour rien.
D’une pièce à l’autre, tout finit par ce que Beckett nomma “foirades”. Si bien que les “final cuts” sont des débâcles. Mais en amont soit le soliloque, soit le ping-pong verbal sont toujours astucieux, incisifs, audacieux, dangereux la où tout est permis même la mort donc le crime (l’inverse est vrai aussi).
Mais Philippe Tireau garde le privilège de nous amuser avec l’horreur intime d’un “homme un peu vieux mais pas encore mort” (Mortelle Faveur) ou avec une mère abusive et castatrice comme le titre l’indique (Cut).
Chaque fois le risque est là ; il y a des mains de vilains — si “grosses et velues qu’elles pourraient faire mal.” Les salauds y arrivent, les mères aussi et les chiens idem.
Mais en de tels jeux — qui n’attendent que leur mise en scène — finalement tout est donné et repris là où nous sommes invités dans des “façons de pièce”.
L’enjeu est celui d’une flamme de chandelle. Et on regrette lorsqu’elle s’éteint.
jean-paul gavard-perret
Philippe Thireau, Cut & Mortelle Faveur suivi de J’entends les chiens, Editions Ziv, 80 et 62 p. — 9,50 et 11,00 €.