C’est à travers un atelier de poésie au Centre Pénitentiaire de Perpignan, prolongé par une exposition à la Médiathèque Temporaire de la même cité, que Lydie Planas a forcé les portes des êtres morcelés par l’enfermement.
Jaillissent de la peau à la page de “singuliers alphabets”. Ceux qui nous alpaguent mais que nous refusons d’interpréter et même de voir.
Lydie Planas seule était capable de donner voix à ceux qui n’en ont plus, de leur donner de l’espace, une empreinte au sein des bruits et des cris dans un mouvement vers la fenêtre où — faute de mieux — ils peuvent contempler le ciel.
Sur les murs de la prison, de l’exposition et celui du livre s’inscrit un répertoire poétique que la créatrice a su scénariser pour rappeler que si “la cellule du prisonnier n’est pas trop grande pour une araignée”, y “dormir la lune dans un oeil et le soleil dans l’autre” n’est pas chose facile.
La poétesse va ainsi d’un anéantissement à un autre en un projet où le quotidien est celui des retranchements pour les incarcérés et comme pour elle-même. Existe de la sorte le chant des écartés et de l’écartelée.
Elle a trop souvent et à tort peur de trop parler. Mais au moment où de ces mots jaillit “un corps blessé face au langage immortel” (Bonnefoy cité par l’auteure), ce sont bien eux qui donnent l’éternité à “l’a-présent” du présent en absence de lieu si ce n’est celui de cages, là “où la nature humaine reste ce qu’elle est : fermée pour cause de travaux.”
jean-paul gavard-perret
Lydie Planas, De la peau à la page, Voix Editions — Richard Meier, 2020.