Auteur chez le même éditeur de Neuvaine et Antigraphes, Guillaume Artous-Bouvet poursuit ici, par la création poétique, son travail sur le statut du littéraire dans la philosophie comme, et par la bande, la théorie des récits et du poétique.
Connaissant parfaitement ceux qui sont sortis des sentiers battus de la “french theory”, privilégiant en conséquence les approche des Macé et Clément moins dogmatiques mais proches de “ce qui arrive” dans l’écriture, il prouve comment en littérature et poésie n’existe aucun sujet qui ne soit celui d’un discours.
Le sujet ne se construit que par la langue si bien qu’il peut n’être considéré — comme chez Rimbaud — que en tant qu’ «événement poétique». Certes, bien sûr si, comme lui, il trouve ses propres mots et structures pour se dire. L’auteur propose une sorte de remise en cause de Genette afin de prouver comment des figures du discours au discours du récit se distingue un “je” particulier qui ne fait que recréer chaque fois du légendaire.
Si bien que tout écriture “biographique” n’invente pas de la vérité. Il s’agit toujours de se légender.
Artous-Bouvet le prouve dans ce qu’il dévisse du et dans le langage pour l’invertir ou le gauffrer au sein d’un exercice de mémoire. Contrairement à ce qui se passe trop souvent, ici elle plie les souvenirs comme se plie une étole afin de donner aux mots dits de la tribu une voix de dessous et tout autant des étoiles filées.
D’où la manifestation d’une sorte de fantastique particulier. Il n’a rien d’inquiétant mais assaille par une écriture qui échappe au pur logos.
Au moi se substitue le il du je. Il se met à fonctionner entre un abîme et un éther : « II / / Indente au dur, / un vol. / En cuir bleu, tant que res / –te que ciel.” Cet “il” est à la fois bouche ou face, silence ou absence.
D’où ce mouvement d’un “suspens” que l’auteur ne cesse d’aiguiser pour atteindre sinon l’inconscient du moins les sous-pentes de la raison.
Cela ne peut que donner de l’appétit aux lectrices et lecteurs avides d’autre chose que ce qui permet à tout discours de se poursuivre dans la paix et la clémence.
jean-paul gavard-perret
Guillaume Artous-Bouvet, XX. décharne de nuit, Editions Derrière la salle de bains, Rouen, 2020 — 5,00 €.