Après son beau et mérité succès pour Tenir jusqu’à l’aube, prix Médicis 2018 (et en cours d’adaptation au cinéma) , l’auteure ramène par ce roman et d’une certaine façon vers sa jeunesse à l’école des Beaux-Arts où elle obtint son diplôme. Elle a ensuite enseigné les arts plastiques dans la région de Lille pendant douze ans.
Ce roman (au nom qui rappelle un personnage de Bretecher mais la comparaison s’arrête là) raconte le parcours de trois étudiant(e)s. Le déclencheur de ce texte a été le suicide de son professeur de peinture aux Beaux-Arts, probablement précédé d’un féminicide. Preuve que les hommes peuvent avoir du mal à quitter certains rôles.
Au moment où — et dépit de leurs dires — ils se sont redistribués des rôles, cela ne se fait pas sans heurts, et sans une certaine pression sociale qui persiste.
Ces changements sont passionnants à observer, car ils impactent les vies, les corps, l’avenir et renouent avec des thèmes de Quand nous serons heureux où l’auteure perçait déjà le mystère du “naturel”.
Dans des ambivalences, elle s’intéresse à des logiques de corrélations au moment où la peinture était considérée comme morte.
Les professeurs découragent les vocations, les galeries n’exposent plus de toiles. Devenir peintre est pourtant le rêve de la narratrice. Comme celui de ses deux comparses avec qui ils forment un groupe quasi clandestin dans les sous-sols de l’école. C’est un lieu de création en marge, en rupture avec la croyance en une certaine “peinture peinture”.
Pendant ces années d’apprentissage, leur petit groupe affronte les humiliations et le mépris. L’avenir semble bouché. Mais quelque chose résiste, intensément.
Et ce en décalage avec les normes dans l’esprit autant de Simone de Beauvoir que de Nathalie Sarraute ou Clarice Lispector : l’auteure et sa créatrice prouvent que si quelqu’un(e) craque ou avoue son envie de sortir du système, la meute des “bien-pensants” à la Bernanos se lèvent.
Mais des femmes résistent et tentent de casser le domaine de prédilection pendant des millénaires de ceux qui souvent, évitent de lâcher du terrain.
Il existe aussi la voix tierce d’un homme : «Certains, ou plutôt devrais-je dire certaines, se sont étonnés du peu d’artistes femmes citées dans notre programme d’histoire de l’art. Je leur ai donné carte blanche aujourd’hui. Mesdemoiselles, c’est à vous ! ». Et c’est là que tout commence.
A l’école (des Beaux-Arts) d’une certaine vie où ressuscitent sans doute bien des souvenirs.
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jean-paul gavard-perret
Carole Fives, Térébenthine, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2020, 176 p. — 16,50 €.