On ne sort pas indemne de certaines enfances. Le poète est bien placé pour le savoir. Mais il se sert de son art comme arme de survivance.
Performeur et écrivain, Patrick Chemin n’a cesse de défendre la poésie - la sienne et celle des autres. Et il poursuit sa route : ce n’est pas un hasard si elle “croise” celle de Xavier Graal tant pour l’écriture que le parcours.
Il existe chez le Savoyard la grâce des ceux qu’on nomma les “perdants magnifiques”. Ils donnent à la poésie son plus fort registre.
Ils restent au cœur du gai savoir du dur métier de vivre. Ils tentent de lui accorder une lumière même lorsqu’il s’assombrit.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’idée que je vais de nouveau pouvoir me recoucher le soir.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les vis chaque jour en écrivant et en projetant de faire des livres.
A quoi avez-vous renoncé ?
A une certaine autonomie je crois.
D’où venez-vous ?
D’un milieu pauvre. Mon père est né dans la vallée de la Guisane dans les Hautes-Alpes.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Le silence des pauvres.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Des palets bretons.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres poètes ?
Je ne sais pas. Il y a un millier de poètes que j’admire profondément. Mon travail est bien plus modeste.
Comment définiriez-vous votre approche de la poésie ?
La forme est importante pour moi. Le contenu se résume souvent à de l’autofiction.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Des images tragiques souvent. Un jeune homme très beau qui s’était jeté d’un train.
Et votre première lecture ?
Enfant je lisais beaucoup Jules Verne.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Mozart. Matteis. Schubert. Et puis à côté de ça Bob Dylan, Leonard Cohen, les Beatles, les Stones, The Band.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Fureur et mystère” de René Char.
Quel film vous fait pleurer ?
“Amadeus” de Milos Forman
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Quelqu’un qui me ressemble plus ou moins. Le regard, surtout.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Michel Butor.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Toutes les villes. Tous les lieux. Là, je pense à la Bretagne.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Laurent Terzieff. Marina Tsvétaïéva. Wislawa Szymborska. Xavier Grall.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un baiser.
Que défendez-vous ?
Dans mon secteur d’activité, le droit des auteurs et des artistes. De façon plus générale la dignité pour tous. Même si je sais que ce ne sont là que des mots.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je suis tout à fait d’accord avec Lacan. C’est une des choses les plus justes que j’ai lue sur l’Amour.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Cette phrase résume bien la vacuité de la communication.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Euh, je ne sais pas. Si :“Combien je vous dois ?”
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 12 juillet 2020.