Cassant la chronologie qui trop souvent permet au “discours” de se poursuivre, Patrick Chemin remonte — en la démontant — son histoire.
La mémoire jouant de ses errances, l’auteur torpille le temps par une telle circulation aléatoire.
Rien n’a lieu que les instants qui deviennent, par le multiple, un. Le temps se délite en moments qui, d’une certaine manière, racontent le temps au sein des poèmes-fragments dans une circulation de flashs, de pansements qui se répandent loin du bruit des bottes de la pensée.
L’auteur y caresse ses cailloux parfois blessés, imprégnés de diverses émotions. Le temps s’astralise, tournique.
Il ne s’agit pas de ravalements mais d’une remontée dans les strates de Chambéry et ses quartiers populaires avec le vert paradis des amours de jeunesse et la disparition d’êtres chers.
Dans cet A rebours particulier, il ne faut pas chercher de narration classique mais une dilatation du corps aimant ou souffrant dans les fantasmes d’un vivant plus que sa vie elle-même : “Chambéry 2010 / Un jour d’hiver/ Les bus ne circulent pas / Sous la neige / Pierre est mort / Je hais janvier / Et son cortège de vanités”.
Soudain, la création ne s’élabore plus sous la contrainte de forces extérieures mais intérieures et la poésie a soudain quelque chose d’ « inter-essant » à dire.
L’être n’est plus au-dessus du temps mais dedans. Il faut le travailler.
L’objet n’est pas de savoir comment se servir de son corps mais d’en montrer les états. P. Chemin ne cherche pas l’idée de l’être mais sa chose pour la donner non en spectacle mais en re-présentation.
Par cette suite d’arrêts sur image, un passage est à verser par perte en une forme de l’ indicible incarné.
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jean-paul gavard-perret
Patrick Chemin, Percussions de l’instant, Editions Patrick Chemin, Chambéry, 2020, 78 p. — 15,00 €.
Chambéry vit dans la mémoire de ses poètes discrets et trop doués . Moments émiettés très appréciés .