Qu’il est beau le monde politique !
Avec Michèle Cotta et Robert Namias, deux fins connaisseurs de l’univers politique français et de ses arcanes, le lecteur est assuré de trouver dans ce thriller une remarquable fiction largement rehaussée d’authenticité.
Paris, le dimanche 6 mai 2018, François Berlau est élu président de la République.
En avril 2020, le président fait face à nombre de difficultés. Le peuple gronde, des troubles épisodiques installent un climat délétère. L’enquête sur l’assassinat du président du Sénat piétine depuis six mois. La mort, dans l’explosion de sa voiture, de Patrick Jouraud, le patron de France Hebdo, n’est toujours pas élucidée. Ce soir, c’est le secrétaire général de l’Élysée qui lui apporte un exemplaire du Canard enchaîné à paraître le lendemain. Il porte en titre : “Avec les mollahs, Berlau n’y est pas allé mollo”. Si le jeu de mots est passable, le contenu de l’article est ravageur avec ces révélations sur un financement illégal de sa campagne.
Le récit revient quelques mois plus tôt pour suivre les derniers jours de René Charrié, le président du Sénat, les circonstances de la découverte de son cadavre et les conséquences induites tant pour le microcosme politique que pour le pays.
Patrick Jouraud et Blanche Dubois, sa consœur, sont des vieux routiers du journalisme politique qui ne s’en laissent pas conter par les apparences. C’est sa maîtresse américaine qui, sur l’oreiller, livre à Jouraud des informations qui le stupéfient. Il commence à vouloir vérifier quand, mettant le contact dans sa voiture, celle-ci explose.
Et c’est une succession de bouleversements qu’entraînent ces morts, de rebondissements face aux révélations. Les cadavres vont-ils continuer à s’empiler ?
Les auteurs appuient leur récit sur un paysage politique nourri par une actualité récente, voire très récente — le livre est paru en grand format chez Robert Laffont en 2019. La galerie des personnages qu’ils mettent en scène s’inspire de figures authentiques. Il est d’ailleurs facile de reconnaître qui ils cachent sous des portraits assez transparents. Il en est ainsi, pour le président de la République. Même s’il est accompagné de Claude, une épouse qui semble être de la même génération que lui, et de deux fillettes, on ne peut hésiter sachant qu’il a quarante-deux ans.
Le président du Sénat est patelin et gourmand. Les romanciers décrivent ses conditions de vie, dans le palais du Petit Luxembourg, aux frais du contribuable : “… les innombrables croissants, pains au chocolat, jus d’orange et œufs à la coque que lui préparait tous les jours un bataillon de cuisiniers et de pâtissiers, connaissant son goût déraisonnable pour les douceurs.”
Ils dépeignent les mouvements, réunions de ce monde politicard entre accords momentanées, vengeances ruminées, débats, trahisons… Sont pointées également les terribles dérives qu’entraînent la multiplicité de ces réseaux informatiques, dit sociaux, avec l’absence totale de retenue, de moindre réflexion. Cotta et Namias s’offrent un président américain du nom de Peter Jackson décrit comme incompétent, obsédé par la réussite économique.
Mais, ne se mettent-ils pas en scène avec ce couple de journalistes qui se décrit comme faisant partie d’une génération en voie de disparition, comme la presse écrite en est menacée ?
Un roman qui se lit avec un grand plaisir à suivre les méandres et les soubresauts de ces ténors qui occupent le haut du panier de la République avec une intrigue retorse et subtile dans un style alerte au vocabulaire relevé.
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serge perraud
Michèle Cotta & Robert Namias, Fake News, J’ai Lu, coll. “Thriller” n° 12834, juin 2020, 352 p. – 8,00 €.