Portrait de la créatrice en easy rider : entretien avec Abel Burger

Abel Bur­ger pour­rait bien être le ver­sant fémi­nin des héros d’Easy Rider. Sorte aussi de Dora Mar des temps modernes, ses écrits comme ses pein­tures et ses per­for­mances jouent de la trans­pa­rence des hauts fonds de l’être. La créa­tion per­met — lorsque l’amour lâche — de tenir en équi­libre. D’autant que, dans ce jeu de dupe, tous les pions sont pos­sibles : rois et reines ou par­fois chiens et chiennes de l’enfer.
Pour autant - afin de les mon­trer et de les expri­mer -, Abel Ber­ger ne tombe jamais dans la faci­lité de telles exa­gé­ra­tions. Il y a côté image du Gau­guin en elle et côté poé­sie du Duras voire du Cathy Acker et peut-être Ann Clark côté musique. Nous sommes au ras du réel et d’une vérité que les per­dants magni­fiques connaissent : c’est pour­quoi une telle oeuvre ne se quitte plus.
Entre par­fois fuite, déper­di­tion existent des mou­ve­ments moins orien­tés que magné­ti­sés par ce qui nous dépasse non d’en haut mais de dedans. Nulle macé­ra­tion pour­tant : Abel Bur­ger sait ce que beau­coup ignore. Dis­con­ti­nui­tés, ébou­lis, humour (presque déses­péré) créent une odys­sée. Il s’agit tou­jours  d’aller : en avant doutes et routes.

Entre­tien : 

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Peindre. Écrire. L’amour. Sur­tout quand il fait beau, sur­tout quand il y a la mer pas loin.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils sont arri­vés. Ils arrivent encore.

A quoi avez-vous renoncé ?
À être quelqu’un d’autre. C’était pas une mince affaire.

D’où venez-vous ?
De plein d’endroits qui font que je suis bien là où je me trouve maintenant.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Mon amour violent pour la vie.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Le plai­sir de la joie, qui suit les moments de mal­heur. Comme ça tous les jours.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes et écru vains ?
Je n’en sais rien. C’est mieux si ce sont les autres qui le disent.

Quelle est la première image qui vous inter­pella ?
C’est l’enfance. C’est l’image des oiseaux que j’ai enter­rés puis déter­rés des semaines plus tard. La mort. L’absence d’odeur. Bra­ver l’interdit. Bra­ver Dieu, je pensais.

Et votre première lec­ture ?
Je crois que c’était Tris­tan et Yseult. Ou alors Des sou­ris et des hommes.

Quelles musiques écoutez-vous ?
En ce moment, comme je conduis beau­coup et que ça plonge un peu dans un truc ciné­ma­to­gra­phique, c’est plu­tôt :
“This strange effect” de Dave Berry, “Besame mucho”, la ver­sion de Tino Rossi et “A pure per­son” de Lim Giong.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
J’en ai 3. “Franny et Zooey” de Salin­ger, “les jours s’en vont comme des che­vaux sau­vages dans les col­lines”, de Bukowski et “Détruire dit-elle”, de Duras.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Il ne me fait pas pleu­rer mais il m’émeut pro­fon­dé­ment : “Mil­len­nium Mambo”.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Quelqu’un qui s’en sort pas mal.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ose tou­jours. J’ai pas peur de la honte.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Rachel, Nevada. Des mobil homes au milieu du désert, des cher­cheurs d’or, la zone 51 der­rière les mon­tagnes, les plombs figés dans les pan­neaux de signa­li­sa­tion bouf­fés par la rouille, les tours de moto­cross dans la pous­sière. Mon rêve américain.

Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Bob Thomp­son ; Henri Matisse, William Haw­kins, Car­son McCul­lers, Salin­ger, Fitz­ge­rald, Duras, Yór­gos Lán­thi­mos, Park Chan Wook

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un petit congé­la­teur juste grand comme il faut pour avoir des gla­çons et de la glace à la pistache.

Que défendez-vous ?
Mon territoire.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
La vie banale.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Pas grand chose.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ? 
Qu’est-ce qu’on peut me sou­hai­ter ? Je vou­drais une gale­rie pour repré­sen­ter mes récents tra­vaux et une mai­son d’édition qui vou­drait bien publier mon manus­crit. Ça, ça serait plu­tôt cool.

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 30 juin 2020.

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