Avec cette série, Yann entreprend de raconter, de façon quelque peu romancée, la vie de Bessie Coleman, une femme d’exception dans l’Amérique de la Prohibition. Ses origines indiennes par son père, africaines par sa mère ne vont pas faciliter son ascension sociale.
Dès l’enfance, elle rêve de piloter un avion. Mais dans le Texas du début du XXe siècle dominé par le Ku Klux Klan, une femme noire issue d’une famille très pauvre avec huit frères et sœurs a très peu de chances de devenir aviatrice. Elle cumule presque tous les handicaps. Et pourtant, elle réussit l’exploit en venant en France d’apprendre le pilotage car, dans ce “pays raciste”, les femmes noires peuvent intégrer une telle école.
De retour aux États-Unis, après des voltiges de plus en plus dangereuses, elle rejoint les équipes d’Al Capone. Si ce dernier est violent et impitoyable avec ses ennemis, il n’est pas raciste. Il se souvient avoir été en butte au mépris et au rejet en tant que petit émigré italien pauvre.
Quelque part au large de Trepassey Bay, vers les côtes de Terre-Neuve, des garde-côtes frigorifiés attendent le passage d’un avion. Un bruit de moteur, une silhouette d’appareil, ils tirent et l’abattent. Alors qu’ils repêchent une partie d’épave, ils voient passer le Loening noir d’Al Capone. Aux commandes, une jeune femme qui transporte le nouveau comptable d’Alphonse Capone, alias Le Balafré.
Elle est d’origine indienne et afro-américaine. Elle travaille pour le trafiquant, transportant de l’alcool de contrebande qu’elle va chercher à Saint-Pierre et Miquelon. C’est pour contourner la Volstead Act, cette loi prohibant la production et la vente d’alcool aux USA, loi qui s’est appliquée de 1919 à 1933. Elle revoit son père intervenant pour empêcher le lynchage d’un Indien accusé de vols de chevaux, et comment, gamine, elle a sauvé un homme d’un aéroplane en feu
Elle revoit également quand, aux commandes de son avion personnel, elle a attaqué un appareil du Ku Klux Klan…
Le scénario de Yann commence quand Bessie vole pour le trafiquant. Il met en scène les actions qu’elle mène dans le cadre de la contrebande d’alcool et sa confrontation avec le Ku Klux Klan, cette association devenue légale et culturelle (sic !). Il donne un récit passionnant dans ces années 1920, dans une Amérique qui atteint des sommets, qu’elle ne quittera plus, en matière de puritanisme et d’hypocrisie.
Un cahier de six pages raconte les débuts de l’existence de la véritable héroïne, explicite ce qu’étaient les Lighthorsemen, la police indienne à laquelle appartenait son père, l’origine et l’organisation du Ku Klux Klan.
Alain Henriet assure le dessin et Usagi la mise en couleurs. Leur travail graphique est empreint de réalisme tant pour la galerie des personnages que pour le cadre et le décor. Ils donnent à l’héroïne une véritable ressemblance avec l’originale, son visage avenant et sa fine silhouette. Les planches sont parfaitement équilibrées, fourmillantes de détails et très agréables à l’œil.
Le contenu de ce premier tome est séduisant, riche en rebondissements avec quelques flashbacks qui illustrent les phases importantes du passé de Bessie, une héroïne dont on prend faits et causes tant elle est empathique.
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serge perraud
Yann (scénario), Alain Henriet (dessin) & Usagi (couleur), Black Squaw – t.01 : The Night Hawk, Dupuis, juin 2020, 56 p. – 14,50 €.