L’univers des pirates et autres écumeurs des mers est riche en aventures et en fantasmes. La mythologie autour de ces aventuriers a beaucoup contribué à rendre ce monde, sans doute, plus attrayant que la réalité.
Mais il titille toujours l’imagination de créateurs. Mathieu Lauffray a déjà abordé cet univers en co-scénarisant et assurant le graphisme des quatre tomes de Long John Silver (Dargaud 2007 – 2013). Il revient avec une trilogie et avec Raven pour nouveau héros.
L’album s’ouvre sur un homme attaché à une ancre de navire posée sur un fond marin, à quelques encablures de Tortuga. C’est un fameux pirate qui sait se battre, naviguer, qui ne craint personne mais qui n’est pas à l’abri d’une erreur.
Et celle-ci, qui se nomme Darksee, pourrait bien être la dernière.
Le récit revient quelques jours plus tôt, dans la mer des Caraïbes où un navire pirate donne l’assaut à un bateau empli de richesses. Raven mène l’attaque, défait le capitaine, délivre une jeune femme qui court s’enfermer dans la Sainte-Barbe, la soute à poudres et fait sauter le navire. Raven est le seul survivant à rejoindre Tortiga (l’île de la Tortue).
Dans le golfe du Mexique, un voilier transportant le comte de Montignac et ses gens, fait route vers Tortuga où l’aristocrate doit prendre son poste de gouverneur. La tempête les contraint à accoster, en catastrophe, sur une île où aucun marin ne veut aborder.
Darksee est venue rencontrer celui qui fait office de gouverneur depuis la mort du précédent. Il lui propose un marché, retrouver l’or de Cortés transporté par une lourde caravelle, il y a un siècle. Ce n’est que récemment qu’une carte, indiquant son emplacement, a été découverte. Mais, Raven intervient et…
Avec ce personnage, Mathieu Lauffray se rapproche sans doute de la réalité avec un individu plus prompt à agir qu’à réfléchir. Il montre également un héros dans une situation extrême, un héros qu’il veut individualiste, qui paie pour une erreur.
C’est l’existence de Raven entre flamboyance et échecs retentissants.
Avec la piraterie, l’auteur peut explorer des thématiques qui lui conviennent bien avec des héros forts, hors de tous systèmes, qui cherchent leur propre voie avec leurs qualités, leurs défauts et leurs faiblesses. Face à Raven, il place Lady Darksee. Elle possède une belle frégate, un équipage qui lui est plus fidèle qu’au diable. Mais, elle doit passer un accord avec ce potentat local pour obtenir le pardon royal, pardon auquel elle aspire pour effacer une, ou des fautes, qu’il reste à découvrir.
Ils vont se combattent pour mettre la main sur un trésor perdu depuis un siècle par les soldats de Cortés, le trésor d’une grande cité maya du Yucatán.
Le graphisme, dessin et couleur, est l’œuvre exclusive de Mathieu Lauffray. Il propose des scènes sur des doubles pages encadrées de vignettes explicitant telles ou telles phases de l’action avec des détails de toute beauté. Il offre ainsi des planches dantesques comme celles de l’abordage, de l’abord de l’île, il multiplie les explosions, les tempêtes, les combats, les poursuites…
Si le trait est dynamique, les couleurs accompagnent cette tonicité avec des teintes fortes, sanglantes.
Pour ce récit, le scénariste s’est inspiré, très librement reconnaît-il, de Vulmea’s Vengeance, une nouvelle de Robert E. Howard, le célèbre créateur de Conan le Cimmérien.
Némésis (La déesse grecque de la vengeance), est un album enchanteur où l’auteur réunit tous les éléments d’un grand récit d’aventures mis en images avec talent.
serge perraud
Mathieu Lauffray (scénario, dessin et couleur), Raven – t.01 : Némésis, Dargaud, juin 2020, 56 p. – 15,00 €.