Il existe dans ce superbe roman, écrit directement en français par son auteur, une révolte implicite contre divers types de fascismes et d’exclusions. Dans cette sorte d’entretien infini avec un fantôme, Akira Mizubayashi invente un subtil travail de mélancolie qui renvoie d’une époque (l’entre– deux guerres) à la nôtre, et du monde extrême oriental à l’occident.
Que cette fiction soit écrite en français n’a rien d’anodin : face à l’état politique de son pays, l’auteur crée en ce “biais” un débordement par une autre civilisation. Et ce en un appel à un humanisme au-delà les cultures et les idéologies.
Fondé sur la musique classique européeenne (Schubert en tête et en particulier un de ses quatuors à cordes — format que l’auteur affectionne), le livre trouve en elle et par le quatuor une manière de refuser le pouvoir absolu.
Un tel genre musical nécessite en effet l’écoute des autres partenaires afin que se réalise l’harmonie qu’ Akira Mizubayashi chérit.
Certes, cela n’est pas simple : Rei le héros — qui enfant échappa à la violence des militaires grâce à un lieutenant — incarne la question des blessures, du souvenir, du déracinement et du deuil impossible.
C’est pourquoi, au moment où les âmes ne sont pas mortes mais brisées, des fantômes bercent les hommes ou les rappellent à leur pauvreté.
L’harmonie espérée est à attendre encore.
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jean-paul gavard-perret
Akira Mizubayashi, Âme brisée, Gallimard, collection Blanche, Paris, 2020, 256 p.