Il est usuel (et facile) de raccrocher l’Anglaise Laura Marling du côté du folk voire - pire — de la country. Ou de la réduire à une cousine de Bob Dylan et Léonard Cohen.
Mais ce sont là des commodités de la conversation. Car l’ambition musicale est bien plus complexe et novatrice.
L’artiste est une des rares à casser le cursus mélodique classique par de subtils décalages vocaux et tonaux qui la rapprochent — si l’on veut faire à tout prix des comparaisons — de Lou Reed. Elle partage aussi avec lui un talent de conteuse anti-mainstream.
Celle qui a tatoué sur sa cuisse dès l’age de 21 ans « Fickle and changeable, semper femina » ne cesse d’un album à l’autre de repousser les limites du féminisme et son expression musicale.
Ce sixième album de l’Anglaise est une véritable révélation. Neuf chansons, étirées juste ce qu’il faut, épurées sont autant de déclaration d’amour à la femme. Génériquement.
Le tout avec une proximité, une intimité et surtout une vérité première.
La voix est superbement travaillée et donne toute l’expression à des histoires courtes d’amours souvent perdues où se mêlent attentes, souvenirs, projections, envies et échecs.
Laura Marling évoque certes les femmes abandonnées mais tout autant le besoin de liberté et d’indépendance.
Quant au titre “Strange Girl”, il reste le summum d’un tel ensemble de qualité rarissime entre douceur et violence.
Tout semble être enregistré sur le vif mais révèle sans doute un travail incisif et prégnant.
jean-paul gavard-perret
Laura Marling, Songs For Our Daughter, Label Partisan/PIAS, 2020.