“Le silence nous porte à la contemplation, à l’écoute de l’inouï. S’il me fascine, c’est que je sais qu’il m’attend quelque part. S’il fait mine d’être muet, peut-être nous écoute-t-il ? Il n’est pas le vide, il est plein de lui-même.” écrit Patrick Bogner.
Au nom de cet impératif et afin d’évoquer le silence, il est parti près du cercle arctique, dans les Orcades, les Féroé, à Saint-Kilda, en Islande ou en Norvège.
Se découpent des saillies rocheuses à l’aplomb du vide, des mers de rocs noirs battus par les flots d’eaux glacées survolés d’oiseaux majestueux avec ça et là les squelettes de plateformes pétrolières à l’abandon.
Tout semble un monde en ruines (carlingues, cabanes) dans des étendues de neiges. Mais l’ensemble est à la fois sublime, écrasant, mortifère. S’offre une confrontation avec les éléments déchaînés ou en charpie.
Nous ne sommes jamais loin du romantisme du Sturm und Drang. Bogner revient à l’ambition de Caspar David Friedrich.
Il devient un paysagiste particulier habité par de tels espaces dont le spectacle est ponctué ici des citations de Lenz, Tieck, Büchner, Blake, Chateaubriand, Hugo, Nerval.
C’est donc bien un retour au romantisme le plus puissant qui rend le rêveur insomniaque.
jean-paul gavard-perret
Patrick Bogner, Erdgeist, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2020, 144 p. — 35,00 €.