Jean-Yves Le Naour, 1919–1921 Sortir de la guerre

Enfin une étude éclairante !

Le 11 novembre 1918 rien n’est réglé, rien n’est joué. L’armistice signé est vide et les véri­tables com­bats diplo­ma­tiques ont déjà com­mencé. Ce soir-là, sur le bal­con du Grand Hôtel de la place de l’Opéra, devant la foule en liesse, Cle­men­ceau est perdu dans de sombres pen­sées.
Le matin, n’a-t-il pas confié à son chef de cabi­net mili­taire : « Nous avons gagné la guerre, et non sans peine, main­te­nant il va fal­loir gagner la paix, ce sera peut-être encore plus dif­fi­cile… sur­tout avec nos Alliés ! »

Deux mes­sies ont émergé, l’un à l’Ouest, l’autre à l’Est : Wil­son et Lénine. Ils veulent impo­ser leurs vues, la paix uni­ver­selle pour le pre­mier, une société sans classes pour le second.
Wil­son défend le concept encore très flou, en 1918, de la Société Des Nations (SDN), l’ancêtre de l’ONU. Il a éga­le­ment éla­boré un pro­gramme en 14 points qui enthou­siasme une large part de la popu­la­tion de l’Europe de l’Ouest.
Lénine, dans une guerre civile, met en coupe réglée tout un peuple et pré­pare l’émergence d’un des pires tyrans que la Terre ait porté.

Mais, si les armes se sont tues à l’Ouest de l’Europe, ce n’est pas le cas en Europe de l’est et orien­tale. L’empire austro-hongrois a volé en éclats et, de la Bal­tique à la mer Noire, les embra­se­ments conti­nuent à faire par­ler la poudre. Après la Pologne, la Grèce, la Rus­sie, la Tur­quie de Mus­tafa Kemal, bien­tôt nommé Atatürk, avance ses pions avec bon­heur pour le plus grand mal­heur de cer­tains peuples.
C’est le géno­cide armé­nien, c’est celui des chré­tiens syriaques et des grecs de la région de Trébizonde…

Avec ce livre, Jean-Yves Le Naour donne une vue géné­rale de cette période qui ne réglera rien si ce n’est ins­tal­ler les fon­de­ments de la Seconde Guerre mon­diale. Un ouvrage qui expose les faits dans leur réa­lité, sans parti pris, avec un souci constant d’impartialité. Il expli­cite les enchaî­ne­ments, les revi­re­ments, les arrière-pensées, les coups bas, les traî­trises. Et ils sont nom­breux, très nom­breux.
Ainsi la France sera vic­time de ceux des États-Unis et de l’Angleterre. La per­fide Albion a fait des siennes une fois encore. En effet, Cle­men­ceau s’est heurté à la mau­vaise volonté alle­mande sou­te­nue par Wil­son et par David Lloyd George, ce diplo­mate bri­tan­nique qui ne vou­lait pas d’une France trop forte, aux ambi­tions pla­né­taires des Amé­ri­cains, aux consé­quences de la révo­lu­tion bolchevique.

Avec 1919–1921 sor­tir de la guerre, l’historien pro­pose une vision glo­bale de la sor­tie de la Pre­mière Guerre mon­diale, détaillant les trac­ta­tions qui menèrent à la signa­ture du traité de Ver­sailles le 28 juin 1919 où la grande per­dante fut la France.
Il ne faut pas oublier que l’Allemagne avait gardé tout son poten­tiel éco­no­mique car le conflit n’avait pas détruit son ter­ri­toire alors que tout le Nord et l’Est de la France ne sont que ruines !

Mais, l’historien ne se dépar­tit pas de son sens de l’humour et éclaire les sombres réa­li­tés qu’il décrit. Ainsi cette for­mule lorsque Cle­men­ceau ambi­tionne de détruire la puis­sance alle­mande, de retrou­ver le mor­cel­le­ment pré­bis­mar­kien : “La France aime tel­le­ment l’Allemagne qu’elle aime­rait en avoir quatre ou cinq à sa fron­tière.”

Jean-Yves Le Naour donne, une fois encore, un ouvrage d’un bel enten­de­ment his­to­rique avec son sens du récit, la clarté de ses expo­sés, la qua­lité d’une écri­ture ryth­mée de cita­tions, ponc­tuée de traits d’humour, un état exhaus­tif de ces sor­ties de conflits, n’omettant aucun détail.

serge per­raud

Jean-Yves Le Naour, 1919–1921 Sor­tir de la guerre, Per­rin, février 2020, 544 p. – 25,00 €.

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