Reprenant la démarche de Plutarque, l’historienne Fanny Chassain-Pichon analyse deux vie parallèles et pourtant croisées : Wagner et Hitler. Quels points communs existent-ils donc entre le maître de Bayreuth et le tyran d’une Allemagne devenue folle qui martyrisa l’Europe ?
Bien des éléments en vérité que l’auteur s’applique à mettre en avant.
La démarche comparative de deux personnes ayant vécu à un siècle de différence rencontre certes ses limites, du fait des contextes historiques radicalement différents. Cela dit, Fanny Chassain-Pichon soulève bien des similitudes dans ces deux destins, dans leur enfance, leurs relations avec leurs parents, et surtout dans les événements les ayant marqués : l’échec de la révolution nationale de 1848 en Allemagne pour l’un et la défaite de 1918 pour l’autre.
Elle décrit surtout un Hitler fanatiquement, et quasi religieusement, admiratif de Wagner, de ses opéras, de sa musique et des thèmes soulevés dans ses livrets. Mais, selon elle, le futur Führer a surtout été influencé par les écrits du compositeur qui a développé « une argumentation esthétique d’un antisémitisme métaphysique et essentialiste qui lui fait franchir un seuil, au point de formuler l’un des pamphlets antisémites les plus violents du XIXe siècle » ; influence que l’on retrouve dans l’idéologie de Mein Kampf.
N’étant ni musicologue ni spécialiste de Wagner, (et préférant la douceur des opéras italiens aux grondements du crépuscule des dieux), je me garderai bien de porter un jugement de fond sur les affirmations de Fanny Chassain-Pichon, même si l’apocalypse de 1945, mise en scène par un Hitler fait comme un rat dans son bunker, possède d’évidentes références wagnériennes.
Un point toutefois retient l’attention, d’ailleurs magnifiquement soulevé par Edouard Husson dans la lumineuse préface qu’il signe : le lien entre l’antisémitisme, l’antichristianisme et la modernité. La haine du juif conduit autant à la résurgence des mythes païens de l’Allemagne qu’à une aryanisation du christianisme. « Avec Parsifal, note Fanny Chassain-Pichon, c’était la religion des purs, des initiés, qui s’exprimait, une religion accessible en quelque sorte à l’élite. »
Rien de bien nouveau, pourrait-on rétorquer, puisqu’on trouve déjà ces tendances, sous différentes formes, dans le gnosticisme et même le catharisme, mais que les imprécations de la modernité, révolutionnaire par essence comme l’ont été Wagner et Hitler, réaffirmeront.
Bref, cette étude confirme la difficulté, voire l’impossibilité, de distinguer antisémitisme et antichristianisme à l’époque moderne.
fréderic le moal
Fanny Chassain-Pichon, De Wagner à Hitler. Portrait en miroir d’une histoire allemande, Passés/composés, mars 2020, 304 p. — 22,00 €.