Et quand les traîtres sont nombreux…
Lilja Sigurdardóttir a été révélé aux lecteurs français par Reykjavik Noir, une trilogie composée de Piégée, Le Filet, La Cage, parue entre 2017 et 2019 aux Éditions Métailié . Elle met en scène une héroïne confrontée aux réseaux et aux trafics de la drogue, aux milieux financiers dévoyés.
Elle revient avec Trahison, un roman indépendant paru en Islande en sous le titre Svik. Elle met en scène une mère de famille qui se retrouve propulsée dans le milieu politique islandais. Et celui-ci, selon ce que dépeint la romancière, n’a rien à envier au milieu politique français en matière de malversations, de magouilles et de gaspillage de l’argent du contribuable.
Úrsúla Aradóttir est contactée par le Premier ministre pour prendre le poste de ministre de l’Intérieur, un remplacement pour laisser à l’actuel titulaire le temps recouvrer la santé. Le jour où elle prend ses fonctions, une mère, qui venait voir son prédécesseur, lui demande de faire condamner le policier qui a violé sa fille de quinze ans. Úrsúla promet de s’occuper de cette affaire.
Un vieux vagabond déguste le café chaud offert par une serveuse en regardant le journal. Il se fige en voyant la photo qui accompagne l’annonce de la nomination d’Úrsúla : elle y serre la main d’un homme, la main du Diable en personne.
Elle a en charge, parmi les nombreux dossiers celui, très délicat, relatif à la nationale Sud, une infrastructure essentielle. Pour tenir la promesse faite à cette femme, elle demande à Ódenn, son chef de cabinet, de s’en occuper. C’est en cherchant un endroit discret pour fumer qu’elle rencontre Stella. Celle-ci assure le nettoyage des bureaux, mais consomme des drogues et pratique l’amour saphique. Une journaliste de télévision s’intéresse à elle.
C’est sur le siège de sa voiture qu’Úrsúla trouve un message inquiétant : “Qui se lie d’amitié avec le Diable perd son âme et invoque le Mal.”
L’héroïne va devoir, dès le début, faire face à nombre de difficultés, d’attaques, d’insultes et de tentatives de déstabilisation. Elle n’est au meilleur de sa forme, souffrant sans doute du syndrome de stress post-traumatique dû aux années difficiles vécues lors de ses missions humanitaires en Afrique pendant l’épidémie d’Ebola, en Syrie sous les bombes.
Elle s’est constituée une carapace qui étouffe ses sentiments tant pour son mari que pour ses deux enfants. De plus, elle n’est pas vraiment ravie de retrouver son sol natal ayant laissé des souvenirs déplaisants. C’est sur l’insistance de son époux qu’ils sont revenus en Islande.
La romancière enserre son héroïne dans les mailles d’un filet qui se resserre au fur et à mesure qu’elle tente de mener à bien ce qu’elle pense juste, ce qu’elle pense devoir accomplir à ce poste. Toutefois, elle en fait une femme politique exemplaire car, par exemple : “…elle imaginait mal se faire conduire dans une voiture de luxe devant la population qui payait la note.“
Catapultée dans un univers dont elle n’a pas les clés, Úrsúla Aradóttir va devoir se défendre très vite bec et ongles. Car gravite autour d’elle une galerie de personnages plutôt meurtris, pris chacun dans une spirale qui se referme au fil des pages.
Avec Trahison, Lilja Sigurdardottir offre un roman à l’intrigue retorse à souhait où les chapitres courts, passant d’un protagoniste à l’autre, participe à faire monter la tension jusqu’à une chute surprenante.
serge perraud
Lilja Sigurdardóttir, Trahison (Svik), traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün, Éditions Métailié, coll. Bibliothèque nordique — Noir, juin 2020, 352 p. – 22,00 €.