Isidore Isou, Antonin Artaud torturé par les psychiatres

Réqui­si­toire entre l’enquête et le pamphlet

À tra­vers le cas Artaud, l’histoire psy­chia­tri­qure est ana­ly­sée dans les moindres détails. Isi­dore Isou se livre à un véri­table réqui­si­toire en ce qui tient de l’enquête et du pam­phlet.
La pre­mière édi­tion date de 1970 et fut publiée par Mau­rice Lemaître dans sa revue “Let­trisme” (n° 13, sept. 70) sous le titre “Anto­nin Artaud tor­turé par les psy­chiatres (les ignobles erreurs de André Bre­ton, Tris­tan Tzara, Robert Des­nos et Claude Bour­det dans l’affaire de l’internement d’Antonin Artaud)”.

Ce pam­phlet per­met aussi à l’auteur de mon­trer com­bien toutes les dis­ci­plines du monde des idées, des arts, de la culture, de la poli­tique ou des sciences, doivent être réfor­mées par la révo­lu­tion du Let­trisme. Elle n’aura pas connu l’aura de celle du Sur­réa­lisme. Pour cette der­nière, divers “doc­teurs” de plu­sieurs ins­ti­tu­tions (uni­ver­sité com­prise) com­prirent le béné­fice qu’ils pour­raient en tirer.
Il n’en va pas de même avec le Let­trisme. Comme l’oeuvre d’Artaud ce mou­ve­ment ne se laisse pas appri­voi­ser. A cela une rai­son majeure : dans les deux cas, le lan­gage vole en éclat.

Le texte d’Isou reste  axé  for­cé­ment sur l’état de la psy­chia­trie de l’époque. Elle est com­pa­rée à une méthode nazie de des­truc­tion de l’homme et dont les électro-chocs repré­sentent la bar­ba­rie suprême. Les années 1970 étaient pro­pices à ce genre de cri­tique radi­cale au moment de l’anti-psychiatrie nais­sante en France et en Ita­lie.
Mais l’ire de Isou est aug­men­tée par ce qu’il subit lui-même en hôpi­tal psy­chia­trique au cours d’un inter­ne­ment forcé en 1968. Il y  fit la ren­contre du “célèbre” doc­teur Gas­ton Fermière.

A ce titre Isou ouvre une ana­lyse qui, à l’époque, était peu pous­sée sur le cas d’Antonin Artaud. Et Isou de pré­ci­ser : “n’ayant jamais été des psy­chiatres, mais géné­ra­le­ment des lit­té­ra­teurs ou des poètes, igno­rant le domaine de la « santé men­tale », et mes textes abor­dant le pro­blème de ce grand créa­teur, à la fois du point de vue du plus pro­fond sys­tème artis­tique actuel et du point de vue du plus pro­fond sys­tème de psy­cho­pa­tho­lo­gie et de psy­cho­thé­ra­pie qui ait jamais existé, je crois que les pages qui vont suivre repré­sentent la meilleure étude parue jusqu’à ce jour sur l’internement de l’auteur des Lettres de Rodez. »

L’auteur et inven­teur d’un mou­ve­ment poé­tique, gra­phique et phi­lo­so­phique déci­sif, trouve dans le cas Artaud un sujet d’exception. Par une autre voie que l’essayiste, Artaud cher­cha — comme il l’écrit — un lan­gage “tordu comme des nuages dans l’eau lim­pide avec à côté la lumière qui trace une règle et des cils”.
Le  réqui­si­toire pour­rait  sem­bler daté. D’autant que la psy­chia­trie n’est plus ce qu’elle était.  Néan­moins , sous l’effet du modèle amé­ri­cain, cer­tains de ses pra­ti­ciens sont ten­tés de reve­nir aux vieilles méthodes. C’est pour­quoi ce livre demeure tou­jours inci­sif et actuel.

jean-paul gavard-perret

Isi­dore Isou, Anto­nin Artaud tor­turé par les psy­chiatres, Edi­tions Al Dante, 2020, 144 p. — 13,00 €.

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