Est-ce ce qui attend les prochaines générations ?
L’intrigue se déploie en 2082 et les événements qui s’y déroulent sont les conséquences directes de situations dramatiques survenues en 2070 quand le Président en titre a voulu déclencher la guerre totale.
Certes, aujourd’hui, imaginer un président des États-Unis atteint de folie est reprendre la réalité sans même avoir à la transposer dans quelques décennies.
La Terre est épuisée et la quasi-totalité des ressources en minéraux a été consommée. Le scénariste conjugue avec aisance et maîtrise, les concepts relevant de la science-fiction, du space opera, de la prospective, de l’anticipation, des mondes parallèles et de l’écologie. Il ordonne une histoire qui met en scène nombre de ces éléments dans une bonne maîtrise et une excellente cohérence.
Muñoz, interrogé dans la cadre d’une commission d’enquête sur le commandant Sylan Kassidy, défend celui-ci. On lui rétorque qu’il est fasciné par lui, par ce qu’il était avant. Mais avant quoi s’insurge Muñoz, avant que sa femme se fracasse en voiture contre un arbre, que l’Hybris se crashe sur une planète gelée où l’équipage a failli se faire bouffer par les autochtones ?
L’Hybris, un navire minéralier, a dû atterrir d’urgence après avoir été pris dans un étrange nuage aux abords de Patrole. Deux membres de l’équipage, partis en reconnaissance, sont la proie d’agresseurs inconnus, des sortes de zombis affamés. Ceux-ci attaquent le vaisseau et progressent malgré les tentatives de les repousser. En faisant diversion, le gros de l’équipage s’échappe dans une navette de secours.
Pendant toute l’opération, Kassidy a été en contact radio avec le président des États-Unis qui suit en temps réel les événements. Ayant pu s’emparer du corps d’un assaillant mort, les scientifiques de l’Hybris qui l’examinent sont très surpris.
Alors que le vaisseau est censé se trouver à des millions de kilomètres, les communications restent très bonnes. Cependant, le plus étrange arrive quand Kassidy constate qu’il voit, depuis la navette, la même chose que le président, l’île de Manhattan, le pont de Brooklyn… mais en ruines !
Le scénariste propose une fable écologique, une dystopie dénonçant ces progrès technologiques qui génèrent de tels besoins de matières premières que l’épuisement de celles-ci, sur Terre, est inévitable. D’ailleurs, le problème est si crucial que l’auteur fait transformer un vaisseau spatial de guerre en minéralier.
C’est Laval NG qui assure le dessin et Florent Daniel la mise en couleurs. Le premier propose une mise en page attractive sachant se libérer des alignements de vignettes pour proposer des planches plus dynamiques. Si les décors extérieurs sont travaillés, ceux de scènes intérieures restent en retrait pour privilégier les personnages et leur expressivité. Ceux-ci bénéficient d’une représentation bien synthétique.
Le second apporte une colorisation assez neutre qui sied à l’atmosphère du récit et au cadre d’une planète sauvage. Et les intérieurs de vaisseaux, tout comme les bâtiments administratifs, ne bénéficient pas encore des débauches de teintes de l’Art nouveau.
Alter, qui peut être un diminutif d’Alternative, se révèle un album séduisant au scénario inventif et solide.
serge perraud
Philippe Pelaez (scénario), Laval NG (dessin) & Florent Daniel (couleurs), Alter – t.01 : Ceux qui partent, Bamboo, label Drakoo, juin 2020, 96 p. – 19,90 €.