Après le Cycle de la vie prodigieuse, Elena Ferrante offre un roman napolitain où une adolescente bourgeoise découvre les mensonges de sa famille. Cela pourrait bien être le début d’une nouvelle saga…
Qui se passerait ensuite à Venise. Et ce même si l’auteure discrète affirme le contraire.
Le roman commence ainsi : “Deux ans avant qu’il ne quitte la maison mon père annonça que j’étais très laide” et dès lors débute une souffrance cachée.
L’héroïne n’a de cesse d’essayer de comprendre un tel jugement puis une séparation.
A partir de petites phrases (les lire ne délivre pas tout) se produisent des renversements et des chutes. Contrairement à la limpidité stylistique et scénarisée de la Vie prodigieuse, tout devient ici plus rugueux, criard et gris.
La légèreté disparaît même si l’on reste (pour le moment) à Naples et dans le même milieu que la sage précédente.
Elena Ferrante ne cherche pas à séduire. Son roman se veut un rien désagréable par la noirceur de ses personnages mais lumineux par leurs mises en scènes. Celle qui ne veut pas ressembler à sa tante Vittoria tente de se reconstruire trouve pour y parvenir une façon repoussante.
Et en ce sens le roman est très habile.
La ville de Naples y est telle quelle, entre beauté et laideur, vie et mort au sein de ses quartiers. La gamine y découvre la sensualité comme à la désespérance. Et ce roman sera sans doute un succès.
Comme toujours chez Ferrante, il y a là du souffle romanesque là où les possibles stéréotypes se remplissent de vinaigre.
Et au moment où le mot l’essentialisation” est la nouvelle tocade ou panacée à la mode, celle-là prend du plomb dans l’aile eu égard à la désinvolture des adultes.
jean-paul gavard-perret
Elena Ferrante, La vie mensongère des adultes, trad. par Elsa Damien, Gallimard, Paris, 2020, 416 p..