Sacha Filipenko, La Traque

Un anti-Candide aussi cruel que salutaire

Avec La Traque, les édi­tions des Syrtes publient un deuxième roman de Sacha Fili­penko, auteur bié­lo­russe qui s’est fait connaître chez eux avec Croix Rouges en 2018.
Il raconte ici, à tra­vers un récit à la struc­ture aussi com­plexe que la sonate qui lui sert de fil direc­teur, la des­truc­tion sys­té­ma­tique d’un jour­na­liste gênant.

Anton Piaty a la témé­rité – à la limite de l’autodestruction – de s’en prendre à un richis­sime idéo­logue semi-nationaliste, semi-sectaire, qui jouit de contacts très hauts pla­cés dans la Rus­sie d’aujourd’hui ( ?). Il le paiera très cher.
Ce résumé expé­di­tif ne rend pas jus­tice à la construc­tion à la fois déli­cate et com­plexe de ce roman, où Fili­penko s’amuse d’abord à perdre le lec­teur, pour mieux réunir tous les fils de son intrigue dans un final aussi gla­çant que magistral.

Chro­nique mon­daine, dys­to­pie effrayante, récit auto­bio­gra­phique…, divers types de dis­cours se mêlent afin de mener à bien l’anéantissement métho­dique de la tête-brûlée, créant ainsi l’impression d’une absence total d’échappatoire.
Si les réfé­rences de Sacha Fili­penko visent clai­re­ment le fonc­tion­ne­ment de la société russe, mon­trée comme livrée à des forces mélan­geant tar­tuf­fe­rie, richesse extrême et mafieu­se­rie, le tout avec l’oreille com­plai­sante des pou­voirs poli­tique et reli­gieux, le lec­teur ne peut s’empêcher de cher­cher et de trou­ver des réfé­rences plus géné­rales au monde contem­po­rain, de l’influence et de l’utilisation délé­tères des réseaux sociaux à la mani­pu­la­tion des opi­nions via des par­ties de billard à dix bandes dont le com­mun des mor­tels n’a aucune chance de repé­rer l’initiateur de l’impulsion première.

Emporté par un récit très intel­li­gent, on res­sort de cette Traque décillé et un peu moins naïf sur le monde qui nous entoure, d’autant que par bien des aspects Anton Piaty est le repré­sen­tant du lec­teur dans le roman, si ce n’est par le cou­rage (nul ne peut être cer­tain de se mon­trer aussi brave que lui dans les mêmes cir­cons­tances), du moins par son sta­tut d’être sen­sible, lisant et écri­vant.
Un auteur qu’on ne man­quera pas de suivre.

lire un extrait

agathe de lastyns

Sacha Fili­penko, La Traque, tra­duit du russe par Raphaëlle Pache, les Syrtes, jan­vier 2020, 215 p. – 15,00 €.

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