Véronique Blanchard, donne voix aux “mauvaises filles et mauvaises graines” (titre d’un autre de ses livres) des années 50. Une loi de 1945 laissait espérer pour elles un traitement plus bienveillant. Mais il y a loin de la loi théorique à son application.
“Vagabondes, voleuses, vicieuses” vont rester — au-delà même de leurs “folle” (souvent bien peu néanmoins) adolescence — sous strict contrôle.
L’historienne — responsable du Centre « Enfant en justice » de l’école nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse - livre des témoignages passés sous silence. Pour un même méfait, une fille était condamnées à cinq ans de rétention au moment où les garçons s’en tiraient avec moins de 2 ans.
Preuve que la loi était celle du genre.
La notion de déviance joue implicitement comme arme de contrôle social sur la femme. Pour autant, en dépit de ses témoignages des années 50, ce livre n’a rien de vintage.
Et les mots des « mauvaises filles » permettent de comprendre comment les juges pris dans leurs normes restent le bras rigide d’une société patriarcale qui refuse de comprendre qu’elle est en partie coupable de cette délinquance juvénile de milieux souvent défavorisés.
Les dossiers que l’auteure sort sont « saturés de sexes » et c’est bien ce qui semble faire problème à une époque où le “deuxième sexe” reste résolument second. Mais ces filles des années 50 ne sont-elles pas des préfiguration des voix des féministes des années 60–70 ?
Grâce à leur poussée “underground” va se défaire la construction des normes que la justice et les assistantes sociales firent perdurer dans ces années de plomb.
Preuve que ces blousons noirs en jupon étaient des “enragées” avant la lettre.
jean-paul gavard-perret
Véronique Blanchard, Vagabondes, voleuses, vicieuses (adolescentes sous contrôle, de la Libération à la libération sexuelle), éditions François Bourin, coll “Genre”, 2020.