La basse Höfner de Paul McCartney
L’héroïne du récit se présente comme une Basse électrique à quatre cordes, taillée sur le modèle d’un violon, ce qui lui vaut d’être appelée aussi basse-violon. Elle est née dans l’atelier fondé par Karl Höfner en 1887 dans la ville de Schönbach, en Autriche. Mais, à l’époque de sa naissance, après la Seconde Guerre mondiale, la ville est en Tchécoslovaquie.
C’est en février 1961 qu’elle part pour une boutique de Hambourg. Cette ville, avec ses nombreux cabarets, est devenue la plaque tournante d’un nouveau genre musical, le rock’n’roll, qui fait fureur aux États-Unis depuis le succès de Bill Haley avec Rock around the clock. Ceci entraîne une forte demande de guitares et de basses électriques. Si elle se morfond quelques temps au fond du magasin, c’est là qu’elle rencontre Paul, l’homme de sa vie, un jeune garçon qui va finir l’acheter après avoir marchandé. Il fait partie d’une bande avec John, Georges et Pete.
Elle participe alors, dans les bras de Paul, au périple qui va mener ce petit groupe qui se cherche, de Hambourg à Liverpool, de la Caverne au faîte d’une gloire mondiale, en quelques années. Mais, si elle est la vedette, elle ne sera pas toujours sous les projecteurs car, dans ce métier, on est vite reléguée, remplacée par de nouvelles venues.
Gordon Zola prend comme sujet un instrument de musique qui va accompagner son propriétaire presque pendant toute sa carrière et raconte les grandes étapes du parcours de Paul McCartney et des Beatles. Les rencontres des débuts, de Tony Sheridan, ce guitariste qui leur fait enregistrer leur premier disque, à George Martin, producteur de Parlophone, un label du groupe EMI, en passant par Brian Epstein qui devient leur manager.
Avec une documentation solide, un humour débordant, Gordon Zola retrace ce que fut le parcours de Paul. Comme il le fait avec le point de vue de cette Basse qui eut les honneurs de paraître sur de très nombreuses scènes, il détaille les composantes musicales, les différentes sonorités mises en œuvre qui vont fonder le style des Beatles. Il raconte la recherche des thèmes musicaux de ces néophytes en musique, composant surtout à l’oreille, à l’instinct, au talent. Il retrace les enregistrements des titres qui deviennent des succès planétaires.
Le romancier fait preuve d’une belle culture musicale et d’une connaissance approfondie des titres évoqués. Mais l’histoire de cette Basse se poursuit bien au-delà de celle du groupe.
Avec un ton ironique, des remarques cocasses, avec un art de raconter de façon légère, Gordon Zola réussit à donner une véritable personnalité à cet instrument pour un récit attractif. Il a le mot juste, l’expression ad-hoc, l’image percutante, telle celle-ci qui, évoquant un présentateur de show, illustre parfaitement un gros faux-blond qui sévit actuellement : “Repoussant personnage avec sa grosse tête d’Américain content de lui.”
Suivre la vie de cette basse, appelée Little Babby, permet de revivre cette période des années 1960, une belle page d’histoire même si l’on n’a pas fait partie de ces hordes hystériques qui suivaient les très nombreux concerts du groupe.
serge perraud
Gordon Zola, La Basse… court toujours, Les éditions du Léopard Masqué, février 2020, 152 p. – 15,00 €.