Une des liaisons les plus fascinantes de la littérature
Kafka affirma — comme il l’écrit à Max Brod — que Milena Jesenská était “un feu vivant tel que je n’en est encore jamais vu. Un feu d’ailleurs qui malgré tout ne brûle que pour lui. En outre extraordinairement fine, courageuse, intelligente ; et tout cela, elle le jette dans son sacrifice.” Née en 1896 à Prague, elle est morte 17 mai 1944 à Ravensbrück en Allemagne.
Elle est donc connue pour avoir été la destinataire des plus belles lettres de Franz Kafka : Lettres à Milena. Son engagement, son insoumission, la force de son œuvre ont été jusqu’ici oubliés sans doute parce qu’elle demeure avant tout la femme aimée par Franz Kafka. Une femme invisible et dont les réponses à Kafka ont toutes été perdues ou détruites.
Leur histoire d’amour voire leur passion dévorante échoua au bout de quelques mois mais demeure une des liaisons les plus fascinantes de la littérature. Mais l’aimée resta un prénom Elle fut pourtant dès les années 1920 l’une des journalistes tchèques les plus en vue. Elle signa des chroniques cruelles sur un monde en destruction.
Féministe, communiste, résistante, elle fut arrêtée dès 1939 et déportée à Ravensbrück. Elle y rencontra la résistante allemande Margarete Buber-Neumann (présente comme émissaire dans cette lettre), avec qui elle vécut ce qui fut sa dernière histoire d’amour. Margarete Buber deviendra d’ailleurs sa première biographe.
Cette ultime lettre est un témoignage poignant eu égard à sa situation physique dégradée. Elle réclame à son correspondant de “l’Urotropin (des ampoules sous forme d’injection) et de la glucose (aussi en injection) : on m’a donné cette combinaison jadis et cela me faisait beaucoup de bien. Et aussi quelque chose, je te laisse choisir, contre les rhumatismes”.
L’auteure est si en souffrance qu’elle ne peut plus travailler et d’ajouter : “Aujourd’hui on a besoin de tous ceux qui peuvent travailler et seul celui qui travaille a le droit de vivre, cela va de soi nous sommes en guerre.” Nul ne sait si elle reçut les médicaments à adresse à “Margarete Buber, numéro 4208″. Mais c’est la dernière trace de celle dont l’énigme se trouve non éclaircie mais renforcée.
jean-paul gavard-perret
Milena Jesenská, La dernière lettre (Ravensbrück, 13 septembre 1943), traduction de Laurent Margantin, Les Editions Derrière la Salle de Bains, Rouen, 2020 - 5, 00 €.
Ce qui est formidable dans la littérature c’est que des êtres disparus continuent à vivre et que leur histoire entre passions et souffrances continuent à nous émouvoir !
Merci JPGP !