Ernest Pignon Ernest a travaillé plusieurs années à Naples. Il a photographié et aimé la ville. L’artiste en présente bien des miasmes sublimes. Ils constituent un des trois pans de l’exposition. L’artiste réexplore la cité ainsi que les détresses humaines des années 70 et de notre monde actuel.
Au centre de ces visions en photographies et dessins, le plasticien monte un “tombeau” pour glorifier Pasolini.
Sa présence n’est en rien incongrue dans ce triptyque. Pour Ernest Pignon Ernest, Pasolini a annoncé la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui, c’était un visionnaire. Pasolini a souligné des thèmes chers à l’artiste : déshumanisation sous néo-capitalisme consumériste et acculturation. Les deux artistes se rejoignent face à la fausse liberté de bien des artifices.
Pasolini reste pour Ernest Pignon Ernest celui qui ne fut pas toujours facile à exposer. A Naples, des passants qui voyaient les affiches du poète le traitait de “vieux PD communiste” et déchirait de telles annonces. Cette hostilité — qui existe toujours du moins chez certains — ne va plus jusqu’au lynchage médiatique et les procès (800…) et censures dont le cinéaste et poète fut victime.
Il reste une référence absolue pour E.P.E. : “j’ai des tas de choses en commun avec lui ! Le travail sur le corps, les références à Masaccio, à Caravage” dit celui qui trouve chez l’Italien comme dans ses propres images un moyen de souligner la réalité la plus prosaïque, la plus violente.
Ernest Pignon Ernest, dans cette exposition, relie donc habilement Pasolini à Naples comme au monde en déliquescence. Il fait en sorte que l’émotion provoquée par ses images nous interroge à un moment crucial en travaillant ce qui ne se voit pas forcément : la symbolique du Naples, la présence de Pasolini et l’état du monde et sa paupérisation qui guette le plus grand nombre.
jean-paul gavard-perret
Ernest Pignon Ernest, Naples — Pasolini — Derrière la vitre, exposition en ligne, Lelong and Co, Paris, Ouverture le 19 mai 2020.