Écrire du théâtre, écrire le théâtre
image ci-dessus : The Sheridan theatre, Edward Hopper, 1937, Huile sur toile 43,5 x 64,1, Newark, The Newark museum
Ma familiarité avec le théâtre, que cela ait dépendu de mes études à l’IET de Paris III, de mes lectures ou de ma pratique d’écriture, me donne assez de confiance pour décrire mon point de vue sur le texte théâtral.
Tout d’abord, je dirai que, essentiellement, cette pratique me confine au texte, en m’entraînant à voguer ensemble dans l’acte de parler et l’activité d’écrire – ce qui fonde en un sens tout art du théâtre. Pour moi le dramaturge – en une espèce de vision démiurgique – fige la langue dans des signes. Il libelle.
Et cela étant, il immobilise de la parole, et avec elle une certaine ambiguïté, car elle devient ainsi autre chose, se réfugie dans le texte en ne perdant pas le très étrange caractère de l’élocution dramatique, prise en charge en définitive par le comédien, à la toute fin du processus de création.
Cela reste une étape, qui est destinée à, en chemin vers, propre à qualifier un entre-deux. En effet, l’œuvre chemine et ne peut s’arrêter que par la scène, qui le consacre, et de cette façon fait de l’écriture de théâtre, une écriture du théâtre.
Ce qui importe, cela admis, c’est la force de l’expérience, de l’enquête stylistique que mène l’écrivain, expérience qui doit rappeler la double nature de la scène en tant qu’énonciation, diégèse, qui par nature, ne doivent s’achever que sur le plateau. Construire un dialogue n’est rien d’autre.
De là, tout est possible, autant les pièces didactiques de Brecht, que le théâtre lyrique de Claudel.
Car par force, composer pour les planches, c’est déterminer où se trouve l’équilibre entre le texte et ce qui doit le quitter. Parole, profération, qui s’appuient sur une expression, une faculté langagière, avec la fragilité de ces connexions qui sont le constant souci de celui qui écrit pour la scène.
Et je ne dis rien de nouveau sans doute, sinon que ce que fixe la dramaturgie de la pièce, est d’ordre littéraire, où le dramaturge-démiurge invente ses personnages, non pas comme des êtres de papier, mais pour ankyloser et approcher une vérité propre à se densifier dans l’acteur. Ce glossateur sait que l’actrice ou l’acteur agit comme en un jardin, offrant le spectacle comme un fruit au spectateur.
L’artiste rêve le théâtre, agit en un souffle dans son for intérieur, et cherche une poche dans la langue capable d’accueillir des rêves et des cauchemars, des angoisses et des joies, un sentiment esthétique, une aventure, en respirant à la manière de différentes personnes, différents personnages.
Et le reste n’étant qu’explications.
Didier Ayres