Muriel Moreau grave des chemins étranges. Les peines semblent s’ensevelir sous des fagots. Un monde sensible, inconnu, énigmatique est saisi dans de grands formats poétiques parfois minimalistes parfois plus giboyeux. L’oeuvre reste variée et diverse en ses tonalités et médiums. La maîtrise est totale en chacun d’eux.
Surtout avec celui qui demeure le plus important pour la créatrice . Il est vrai que la perfection est plus qu’ailleurs nécessaire. La gravure est en effet un des arts des plus difficiles : il ne supporte pas la médiocrité car — entre autres — la correction est impossible.
Avec Muriel Moreau la gravure laisse poindre une nature et un être souvent invisibles. D’où ce dévoilement de divers huis clos où se crée une vision qui semble percer la peau de l’inconscient. La relation au monde reste néanmoins apaisée et apaisante dans un travail de surgissement poétique là où la matière prend un espace particulier.
La nature y acquiert une humanité et l’humaine condition devient pelote plus ou moins laineuse ou fourmillante
Rien ni personne ne reste dans sa niche.Tout est aussi elliptique que prégnant en un exercice d’entrée dans une connaissance dont on a perdu la clé. Mais la créatrice en crochette la porte d’entrée avec ses stylets. Manière de rappeler qu’entre notre ici et notre là-bas, il n’y a qu’un pas. La gravure est donc perforatrice par ses curetages du cuivre et performatrice en ses montages.
Parfois, l’image est douce dans la finesse des incisions, parfois le bouillonnement devient plus sourd. L’artiste passe d’une figuration défigurante à une forme particulière d’ “abstraction” en glissant de la figure au signe.
Mais ce dernier n’a rien de métaphysique. La création fait masse et s’ancre dans l’ordre de la sensation au sein de narrations intempestives et dans la perméabilité des frontières allégoriques entre le corps et la Nature et les liens qui rattachent l’être à la terre. Il ne s’agit plus de conceptualiser mais de trouver ce qui peut à la fois soulever l’inanité du monde et réveiller l’art.
Cosa mentale, le graphisme demeure surtout une levée de l’imaginaire à la recherche de l’émotion. Quelque chose avance à travers les formes.
Privilégiant une approche à la fois simple et expérimentale, l’oeuvre est une recomposition des rapports au monde entre rétentions et tensions selon des profils particuliers et originaux.
jean-paul gavard-perret
Muriel Moreau, Ululu & Les échappées