Soleil double est composé de deux parties “soeurs” : Le lisible et L’illisible. Chacune est formée de 9514 mots. Le premier texte est celui du vrai “je”, l’autre son image dans le miroir. Si bien que dans le second moment le “je” n’est plus — sinon en écran. Pour jointoyer ces deux temps, le dernier paragraphe du premier volume devient le premier paragraphe du second : “Cette unique phrase répétée est le sommet d’une montagne gravie puis redescendue d’un volume à l’autre”.
Et ce, à l’image du visible qui est toujours en fracture entre le lisible et ce qui ne l’est pas. C’est comme les deux faces d’une lune — boule parmi les boules — qui font le partage entre le jour et la nuit, la terre et le ciel en une double attraction ou postulation.
Tout se passe comme s’il existait non un « original » de la matière et de la pensée mais deux parties dont ce texte devient la reproduction des plus singulières et justes.
S’y produit, sous l’effet de l’astre solaire, le mystère des yeux qui “après avoir vu et s’être ouverts la première fois, ne seraient jamais revenus se blottir sous mes paupières” tant ils sont poussés vers le haut alors que le corps reste attiré vers le bas.
Une nouvelle fois, Parant redevient découvreur et incrusteur de la matière du corps et de la pensée. Faisant le tour de ses propres yeux que — forcément — il ne voit pas, il parcourt l’intérieur de son corps et de sa tête. Ce qu’elle reçoit et projette est alimenté par la “viande” elle-même. L’auteur récrée donc la matière et la pensée du monde par ce que les yeux et le mental en traduisent et décodent.
Se produit — en une logique de structure — un retour sur ce qu’ils sont. Nous entrons dans une expérience universelle et intime et un espace aussi cybernétique qu’intime.
jean-paul gavard-perret
Jean-Luc Parant, Soleil double, Le lisible, l’illisible, dessins de Titi, Quentin et Jean-Luc Parent, coll. Scalps, Fata Morgana, 128 p., 2020.